La troisième rencontre de l’initiative économique du G20, « Compact with Africa » (CWA), à Berlin ce vendredi 27 août, a permis d’aborder les solutions au manque de vaccins contre la Covid-19 en Afrique.
Sous la houlette de la chancelière allemande Angela Merkel, six chefs d’Etat africains — Nana Akufo-Addo, Macky Sall, Félix Tshisekedi, Paul Kagame, Cyril Ramaphosa et Alpha Condé — ont rencontré, à Berlin, les représentants de la Commission européenne, du FMI et de la Banque mondiale. Etaient également présents le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki, et le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina. Plusieurs chefs d’Etats et ministres africains étaient présents en visioconférence.
Un beau parterre de personnalités pour les adieux d’Angela Merkel à l’Afrique, la chancelière allemande quittant le pouvoir en septembre prochain. Habituellement consacrée à la macroéconomie, la rencontre de l’initiative du G20, « Compact with Africa » (CWA), a adopté un ordre du jour bien différent. Ce vendredi 27 août, il aura surtout été question des effets de la pandémie de la Covid-19 et de la pénurie de vaccins en Afrique. Angela Merkel a montré les inégalités entre l’Europe et l’Afrique : « Nous avons vacciné 60 % des Allemands. En Afrique, seulement 2 % ont été vaccinés, c’est une injustice dramatique ».
Le vaccin BioNTech-Pfizer produit en Afrique ?
Le vaccin à deux doses, développé par l’entreprise allemande BioNTech et américaine Pfizer, le Comirnaty, sera produit au Rwanda, au Sénégal et en Afrique du Sud. Un mémorandum a été signé avec BioNTech et l’annonce au niveau des Etats concernés ne devrait pas tarder.
L’opinion publique impute cette décision rapide à la médiation du président de l’UA et de la RDC, Félix Tshisekedi, qui s’était entretenu avec Angela Merkel la veille du sommet. A quelques heures de la plénière, le président rwandais Paul Kagame a, lui, discuté avec son homologue sénégalais Macky Sall. Les deux chefs d’Etat ont ensuite respectivement rencontré Akinwumi Adesina (BAD) et Kristalina Gueorguieva (FMI). Le financement des projets de fabrication de vaccins fait l’objet d’un accord verbal, pour le moment.
Pour Félix Tshisekedi, la fabrication des vaccins en Afrique n’est pas seulement un enjeu logistique. Il s’agit aussi de « rassurer davantage les Africains » et de « casser les théories complotistes qui suscitent la méfiance des Africains vis-à-vis des vaccins », explique le président de l’UA.
Alpha Condé dissipé
Paul Kagame, très actif dans la diplomatie de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe ces derniers mois, cherche à rallier Macky Sall dans le cadre d’une stratégie africaine inclusive pour augmenter la production des vaccins. Pour Kagame, « fédérer les ressources est la clé de la reprise socio-économique en Afrique ». Au Sénégal, l’Etat a déjà entamé la construction d’une usine de vaccins dans le cadre de l’initiative « Equipe Europe », en partenariat avec l’institut Pasteur de Dakar.
Pour les autres participants africains au sommet, la priorité n’était pas aux vaccins. Le président guinéen Alpha Condé a rencontré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Le chef d’Etat guinéen aurait abordé une éventuelle possibilité de financement de projets d’investissement en Guinée. Arrivé de Turquie, Alpha Condé semble avoir raté l’occasion de sécuriser le soutien d’Ankara. Au niveau diplomatique, outre une réouverture récente des frontières avec le Sénégal, l’Etat guinéen est isolé dans la sous-région.
Macky Sall et Paul Kagame, une alliance crédible pour la « diplomatie vaccinale »
Le président sénégalais, Macky Sall, se place donc au centre des décisions prises lors du sommet de la CWA. Pressenti pour reprendre la présidence de l’Union africaine (UA) pendant la période 2022-2023, le chef d’Etat sénégalais a confirmé depuis des années la réussite de son exercice d’équilibriste dans les relations entre l’Afrique et l’Occident. Avec une moyenne de 40 % d’exportations sénégalaises vers le marché africain, et un appui phénoménal de la communauté internationale pour aider à la reprise économique au Sénégal, Macky Sall a de nombreux atouts en main.
Au niveau diplomatique, une alliance entre Macky Sall et Paul Kagame serait redoutable. Les deux chefs d’Etat se sont récemment positionnés comme pionniers de l’intégration africaine, avec un record d’accords bilatéraux signés avec d’autres pays africains et une neutralité à toute épreuve. On peut aujourd’hui affirmer que le Sénégal et le Rwanda se sont placés comme les destinations préférées des diplomaties africaines.
Cependant, les deux pays ne font pas partie des sept nations africaines qui pourraient avoir vacciné la totalité de leurs populations avant fin 2022. Mais Kagame et Sall ont d’autres atouts : l’unité de production sénégalaise devrait produire 25 millions de doses de vaccins par mois. Le Rwanda, lui, tente de créer une coalition forte dans sa sous-région, notamment avec la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda, la RDC et le Burundi. Se rajoute à ce fait un éventuel rapprochement avec les doyens des présidents africains : le Congolais Denis Sassou-Nguesso et le Ghanéen Nana Akufo-Addo. A quatre, ces présidents pourraient rallier l’Algérie et l’Afrique du Sud, pour aboutir à un vrai front de production et de distribution de vaccins fabriqués en Afrique.
This evening in Berlin, President Kagame meets with President @Macky_Sall of Senegal ahead of the #G20 Compact with Africa Summit #CwA. pic.twitter.com/MVnM5fKzzh
— Presidency | Rwanda (@UrugwiroVillage) August 26, 2021