Dracunculose, éléphantiasis, trypanosomiase et trachome ne sont plus des problèmes de santé publique au Togo. Une meilleure planification des traitements et une implication de tous les acteurs sont les clés du succès.
En 11 ans (2011 – 2022), le Togo a réussi à éliminer quatre maladies tropicales négligées (MTN), devenant le premier pays au monde à réaliser un tel niveau de performance.
Les quatre maladies en question sont la dracunculose ou la maladie du ver de Guinée, l’éléphantiasis encore appelée la filariose lymphatique, la trypanosomiase africaine ou la maladie du sommeil et le trachome.
La remise du certificat et du trophée au président togolais Faure Gnassingbé par le directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus a eu lieu à l’ouverture de la 72e session du comité régional de l’OMS Afrique qui s’est tenue du 22 au 26 août 2022 à Lomé.
Cette récompense célèbre les efforts du pays dans l’élimination de ces quatre maladies tropicales négligées qui ne représentent plus des problèmes de santé publique.
« Les progrès ont été rendus possibles grâce au dévouement et à l’engagement de tous les acteurs de la santé qui ont œuvré à tous les niveaux pour préserver le bien si précieux que constitue la santé », a déclaré Faure Gnassingbé.
Le chef de l’Etat togolais ajoutant que « la santé reste une priorité dans les politiques de développement, dont la grande ambition d’ici 2025, est de garantir la couverture sanitaire et l’accès aux services essentiels à toutes et à tous. »
D’après l’épidémiologiste togolais, Marin Kokou Wotobe, secrétaire général du ministère de la Santé, de l’hygiène publique et de l’accès universel aux soins, le Togo a été déclaré exempt de la dracunculose en 2011 grâce à une lutte acharnée lancée depuis 1991.
La Filariose lymphatique a été éliminée quant à elle en 2017, après plusieurs années de surveillance post-arrêt du traitement de masse en 2010.
Quant à la trypanosomiase humaine africaine contre laquelle la riposte a commencé depuis le XIXe siècle, elle a été éliminée en juin 2020. Et la dernière maladie à être éradiquée en mai 2022 est le Trachome.
« Différentes interventions ont permis de fournir des réponses efficaces et de venir à bout de toutes ces maladies en tant que problème de santé publique », souligne Marin Kokou Wotobe.
Engagement politique
Pour le ministre togolais de la Santé, Moustafa Mijiyawa, l’éradication de ces maladies résulte de plus de deux décennies d’engagement politique soutenu, de surveillance et de dépistage des cas.
« Le Togo a pris à cœur la lutte contre les maladies tropicales négligées en élaborant la cartographie de base qui a déterminé les zones endémiques de ces maladies et y a démarré la lutte à travers des traitements de masse pour les MTN à chimiothérapie préventive », dit-il.
Ce dernier vante aussi une adhésion des leaders communautaires, des acteurs du système de santé, des partenaires et de la population elle-même.
Sur le terrain, la stratégie a porté sur l’interruption de la transmission et la prévention de nouvelles transmissions, puis le traitement et la surveillance des maladies ainsi que la morbidité et les complications qui leur sont associées afin de soulager les souffrances.
Selon l’OMS, les maladies tropicales négligées (MTN) constituent un groupe diversifié de vingt affections qui sévissent principalement dans les zones tropicales, où elles touchent 1,7 milliard de personnes à travers le monde. Beaucoup de ces maladies affaiblissent, défigurent et handicapent en empêchant les enfants d’aller à l’école et les adultes de travailler.
Thoko Elphick-Pooley, directrice exécutive de Uniting to Combat Neglected Tropical Diseases évalue à 46 le nombre de pays africains ayant éliminé au moins une MTN pour 600 millions de personnes guéries.
Dès lors, « l’élimination de la dracunculose, de la filariose lymphatique, de la trypanosomiase africaine et du trachome est un succès considérable, et un don non seulement pour les togolaises et togolais aujourd’hui mais également pour les générations à venir », analyse Tedros Ghebreyesus.
Thoko Elphick-Pooley, estime que la réalisation du Togo représente une preuve importante pour l’Afrique et pour la communauté de la santé mondiale que mettre fin aux MTN est possible.
« Au cœur de ce succès se trouvent un pays engagé et une appropriation politique, et j’espère que les dirigeants à travers l’Afrique seront inspirés par les mesures incroyables qui ont été prises par le Togo pour transformer la vie de ses citoyens », souligne cette dernière interrogée par SciDev.Net.
Malgré l’éradication de ces maladies comme problèmes de santé publique, les autorités sanitaires togolaises assurent maintenir la vigilance face aux MTN éliminées jusqu’en 2030.
Un plan de pérennisation a été ainsi lancé pour maintenir les gains de l’élimination et le contrôle. Il est exécuté par le programme national de lutte contre les MTN coordonné par le vénérologue Gnossike Piham.
Quant aux autres MTN, le ministère de la Santé organise habituellement (lorsqu’un cas se manifeste), des traitements de masse contre des maladies tropicales comme les vers intestinaux, l’onchocercose, et la bilharziose, dont des poches restent à circonscrire dans le pays.
Cet article a été publié sur la version française de SciDev.net et est reproduit avec leur autorisation.