Les groupes du CAC 40 sont omniprésents en Afrique. Plusieurs ONG et spécialistes déplorent un pillage en règle des ressources continentales. Etat des lieux.
Total, Orange ou L’Oréal… Si ces marques sont célèbres en France et les entreprises connues de tous les boursicoteurs, elles ne sont également pas étrangères à de nombreux Africains. Car le continent est devenu, ces dernières décennies, une véritable terre d’accueil pour les sociétés du CAC 40.
Total est sans aucun doute l’un des plus puissants groupes français sur le sol africain. La multinationale bénéficie d’une présence historique dans les pays de la « Françafrique », du Gabon au Congo, mais également en Algérie, au Nigeria ou en Angola. Sponsor officiel des compétitions africaines de football, Total semble avoir pignon sur rue en Afrique malgré les accusations récurrentes de pillage des ressources locales.
« Il faut rendre aux Africains ce qu’on leur a pris » (Jacques Chirac)
En 2000, Total absorbait Elf-Aquitaine, une société empêtrée dans un scandale politico-financier aux accents de « Françafrique ». La part que représente le continent dans les bénéfices du groupe français est d’ailleurs impressionnante : en 2018, le continent représentait… 28 % de la production de pétrole et de gaz de Total. Après son départ de l’Elysée, Jacques Chirac avouait : « C’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique ». Il proposait alors de « rendre aux Africains ce qu’on leur a pris ».
Dans son livre « The Looting Machine », le journaliste Tom Burgis revient sur le pillage des ressources naturelles en Afrique, notamment par les multinationales du CAC 40. L’auteur dénonce notamment un « paradoxe par lequel les nations les plus riches en ressources naturelles souffrent souvent d’une grande pauvreté, d’une mauvaise gouvernance et de conflits ». Autrement dit, l’exploitation des matières premières par les entreprises du CAC 40 n’est pas bénéfique aux populations locales.
Mauvaises conditions de travail, développement du secteur informel, catastrophes écologiques et sanitaires… Les multinationales semblent causer de nombreux dégâts en Afrique. Avec l’aide des dirigeants africains, mais aussi grâce au silence des institutions internationales comme la Banque mondiale, dont une étude « a suggéré il y a une dizaine d’années que les industries pétrolières et minières pourraient accroître la pauvreté », se souvient Tom Burgis qui rappelle que « les responsables de la banque l’ont largement ignorée ».
Les déboires des groupes du CAC 40 en Afrique
L’Observatoire des multinationales travaille lui aussi sur ce sujet. Il propose chaque année depuis trois ans son « véritable bilan » du CAC 40, bien loin des bilans annuels flatteurs publiés par les grands groupes. « La ‘Françafrique’ continue à peser lourd sur le continent », résumait l’observatoire dans son édition 2019, déplorant les attitudes de Veolia, Castel, Areva, Auchan ou encore Orange qui, selon lui, exploite des ressources en Afrique sans contribuer fiscalement suffisamment aux finances des pays hôtes.
Dans son dernier rapport, l’Observatoire des multinationales résume ainsi la force des entreprises du CAC 40 : « Encouragés par la diplomatie économique française et la corruption de leurs élites, de nombreux pays d’Afrique francophone ont privatisé leurs services publics pour les confier à des entreprises tricolores ». Effectivement, grâce à ces tours de passe-passe, les grands groupes français réussissent à s’accaparer de jolis marchés sur le continent. C’est le cas de Bolloré qui, décrit l’observatoire, « est soupçonné d’avoir monnayé les services de communication politique de sa filiale Havas en échange des concessions des ports de Lomé (Togo) et de Conakry (Guinée) ».
Avec la complicité des dirigeants politiques
Socfin, filiale du groupe, est également accusée de participer à l’accaparement des terres de paysans partout dans le monde pour profiter de l’extraction d’huile de palme. En Sierra Leone, au Cameroun ou au Liberia, Bolloré fait polémique. Le géant français a bien assuré qu’il mettrait en plan d’action au bénéfice des communautés affectées par sa filiale camerounaise de Socfin… Ce dernier n’a jamais été mis en place.
« Quand on parle du pillage de l’Afrique, on pense immédiatement aux multinationales occidentales, mais il ne faut pas oublier qu’il est pratiqué avec la bénédiction et la complicité des dirigeants africains », résume Gloria Djigui, dans une tribune publiée par le journal Libre Afrique. Ces exemples montrent en effet que la façon dont les entreprises du CAC 40 profitent des ressources africaines est en partie due à des systèmes de gouvernance défaillants. Tant que ce sera possible, les multinationales continueront à piller les ressources africaines, malgré les conséquences néfastes pour les populations des différents Etats.