Une ONG sud-africaine accuse les entreprises d’armement de Pretoria d’avoir participé à la guerre au Yemen en fournissant des armes et des munitions à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis.
C’était un secret de polichinelle. Mais des documents viennent désormais étayer les accusations envers l’Afrique du Sud, qui serait indirectement présente dans le conflit yéménite. Dans son rapport « Profiting from Misery – South Africa’s war crimes in Yemen », l’ONG sud-africain Open Secrets indique en effet que Pretoria vend des armes à la coalition saoudienne pour sa guerre au Yemen. Un conflit qui a déjà fait de nombreuses victimes civiles. Depuis 2014, on dénombre en effet plus de 230 000 morts. Une catastrophe humanitaire est en cours et les nombreux fournisseurs d’armes se posent la question de leur implication indirecte dans cette guerre civile, comme l’Allemagne qui a imposé un embargo sur les armes à l’Arabie saoudite.
Alliés sur le terrain yéménite, l’Arabie saoudite et les Emirats sont également des clients importants de l’Afrique du Sud. En 2019, les ventes d’armes à ces deux pays du Golfe représentaient un tiers du volume des exportations d’armes de Pretoria. Il y a un an et demi, le National Conventional Arms Control Committee (NCACC), qui octroie les licences d’exportation d’armement, avait suspendu les licences accordées aux entreprises sud-africaines approvisionnant l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Les deux pays du Golfe voulaient en effet imposer une clause empêchant l’Afrique du Sud de savoir si les armes fournies étaient réexportées vers d’autres pays.
L’entreprise Rheinmetall Denel Munitions dans le viseur
La brouille diplomatique n’aura pas tout réglé : Pretoria a alimenté les monarchies du Golfe avant 2019. Rien que depuis 2015, les équipementiers sud-africains ont exporté des armes et des munitions pour une valeur de près de 200 millions de dollars vers l’Arabie saoudite et de plus de 300 millions de dollars vers les Emirats arabes unis. Mortiers, obus ou encore véhicules de combat et mêmes des logiciels informatiques… Pretoria a vendu en masse ses armes aux deux pays. Or, « une grande partie de ce matériel a probablement été utilisée dans le cadre de l’offensive saoudienne et émiratie au Yemen, avec des conséquences dévastatrices pour la population civile », affirme l’ONG.
Open Secrets pointe notamment du doigt Rheinmetall Denel Munitions (RDM), une entreprise germano-sud-africaine. Pour l’organisation non gouvernementale, les munitions vendues par cet équipementier ont bien été utilisées dans une attaque au Yemen en 2020, à Hodeidah. Si l’ONG assure en avoir les preuves, cela signifie que d’autres armes, vendues par RDM ou d’autres groupes, sont présentes sur le théâtre yéménite. Pire, RDM a créé une usine de munitions en Arabie saoudite.
4 milliards de dollars de pertes financières
Bien que le National Conventional Arms Control Committee ait donc arrêté d’autoriser les exportations sud-africaines dans le Golfe, « les preuves de violations des droits de l’homme au Yémen par ces pays, longuement évoquées dans ce rapport, sont suffisantes pour montrer que les exportations d’armes en provenance d’Afrique du Sud auraient dû être interdites par le NCACC », déplore l’ONG qui indique à demi-mots que Pretoria devait se douter que les équipements sud-africains étaient utilisés au Yemen.
Le rapport d’Open Secrets « montre que RDM et d’autres entreprises sud-africaines ont régulièrement fourni des armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis avant et depuis le début de la guerre civile au Yémen. Cela est confirmé par les rapports du Comité national de contrôle des armes conventionnelles ainsi que par les propres déclarations des entreprises sur le fait que ces pays constituent un marché important et lucratif », continue l’ONG. Du côté des industries de l’armement, aucun commentaire n’a été fait. Mais au moment de le suspension des exportations vers l’Arabie saoudite et les Emirats, les syndicats avaient estimé qu’ils pourraient perdre, à l’avenir, des recettes équivalentes à 4 milliards de dollars.