Dans de nombreux pays africains, les « faiseurs de pluie » et les responsables religieux en appellent régulièrement à la fin des sécheresses ou des inondations. Des traditions qui datent de plusieurs siècles.
Du Bénin au Nigeria, en passant par l’Afrique du Nord… Le continent est bien souvent dépendant des précipitations. Il faut dire que les activités liées à l’agriculture constituent le moyen de subsistance de près de 60 % de la population active d’Afrique. Que la sècheresse ou les pluies diluviennes soient au rendez-vous, et c’est toute une saison qui peut être gâchée. De quoi mettre en danger les populations.
Chaque année, ou presque, les responsables religieux des pays musulmans du nord de l’Afrique invoquent la pluie. En novembre 2017, le roi Mohammed VI avait demandé aux imams marocains d’accomplir des « prières rogatoires » pour mettre fin à la sècheresse qui mettait en péril une agriculture qui fait vivre 40 % de la population du royaume. En Tunisie, en mars dernier, le ministère des Affaires Religieuses appelait à faire la « Salat Al-Istisqa », la « prière de la pluie ». Les imams en appellent à la bonté divine pour que tombe une « pluie bénéfique » pour les habitants de la région.
Une croyance qui n’est pas exclusivement réservée aux pays du Maghreb. La tradition se retrouve en Afrique subsaharienne. Au Bénin, par exemple, ceux qui font la pluie et le beau temps — des prêtres animistes vaudous inconventionnels — ont la fonction très prestigieuse de « djiklonto-djidonto ». Ces faiseurs de pluie — et par conséquent de beau temps — auraient le pouvoir d’appeler ou d’arrêter les précipitations. Le « djiklonto-djidonto » est ponctuellement recruté par les organisateurs d’événements : baptêmes, mariages ou funérailles… Pour des journées sans pluie, le « djiklonto-djidonto » offre ses services contre quelques milliers de francs CFA.
Le Nigeria aussi a ses « faiseurs de pluie ». Et si la fonction peut attirer les moqueries de ceux qui n’en avaient jamais entendu parler, il faut savoir que ces personnes, qui se situent entre le chaman et le sorcier, sont estimées par les populations locales.
L’eau, un signe de pouvoir politique
Les « faiseurs de pluie », on les retrouve également dans les montagnes et les zones rurales. Généralement, ce sont les « chefs de massifs » qui endossent ce rôle, raconte Antoinette Hallaire, dans « Paysans montagnards du Nord-Cameroun. Les monts Mandara ». Avant l’arrivée du christianisme, pour les montagnards mofu, « le pouvoir d’accorder ou de refuser l’eau était le signe du pouvoir politique traditionnel », poursuit Jeanne-François Vincent, chercheuse au CNRS. Les Mofu vénéraient ces « maitres des pluies », qui faisaient jaillir l’eau pour leurs sujets en s’étant préalablement octroyé l’exclusivité du forage des puits. Leurs rituels permettaient également de faire tomber ou stopper les précipitations, selon la tradition orale.
La chercheuse rappelle que « ce lien privilégié entre chef et pluie n’est pas particulier aux Mofu » et qu’« on le retrouve chez les Giziga, leurs voisins immédiats de l’est, et, un peu plus à l’est, chez les Mundang qui tiennent leur chef pour responsable de la pluie. Encore plus à l’est, ce sont les Zaghawa qui demandent à leur chef d’offrir les sacrifices appropriés qui leur vaudront la pluie ». Les faiseurs de pluie sont donc importants au Cameroun et au Nigeria, mais également dans certaines régions du Soudan ou du Tchad.
Entre les faiseurs de pluie et les responsables religieux qui prient pour que tombent les précipitations, il y a cependant un danger : que cela ne fonctionne pas. Si les tribus racontent toutes des cérémonies qui ont donné lieu à des résultats probants, en cas d’échec, dans les tribus africaines, c’est le chef de village ou de massif qui doit en porter la responsabilité. Une fonction à double tranchant.