Au Burkina Faso, le chef de la junte et président de la transition Paul-Henri Sandaogo Damiba a nommé son Premier ministre, Albert Ouédraogo. Deux jours plus tard, ce dernier a choisi son gouvernement. Un gouvernement loin de faire l’unanimité.
Le chef du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), Paul-Henri Sandaogo Damiba, a été investi président du Burkina Faso mercredi. Deux jours plus tard, il nommait son nouveau Premier ministre. Albert Ouédraogo, un académicien méconnu, a à son tour fait part de ses choix pour la composition du gouvernement.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Burkinabés restent sur leur faim. En effet, si le choix de Ouédraogo semblait déjà inexplicable, si ce n’est de par son amitié avec un parent du chef de la junte, les noms des futurs membres du gouvernement interrogent.
D’anciens cadres de Roch Kaboré… et de Compaoré
Parmi les membres du futur gouvernement, on retrouve trois militaires, dont l’ancien ministre de la Défense de Roch Marc Christian Kaboré, Aimé Barthélémy Simporé. Ce dernier sera désigné ministre d’Etat en plus de garder son portefeuille. Le militaire était cependant sur une bonne lancée durant le mandat du président déchu. Sauf que sa nomination est considérée par les observateurs comme un retour en arrière.
D’autres noms de futurs ministres étonnent. Comme celui de Barthélémy Kere, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, qui deviendra le ministre de la Justice. Mais également Yero Boly, l’ancien ministre de la Défense de… Blaise Compaoré. Boly sera ministre d’Etat chargé de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale. Un poste qui, dans la loi et le protocole burkinabés, est au-dessus de celui du ministre de l’Intérieur.
Le portefeuille de l’Intérieur, quant à lui, reviendra à l’ancien secrétaire général de la Défense sous Roch Kaboré, Omer Bationo.
Il faut rappeler que, si les retours de plusieurs ministres de Kaboré dérangent, c’est surtout car le président déchu était, lui-même, affilié à l’ancien dictateur du Burkina Faso, l’assassin de Thomas Sankara, Blaise Compaoré. Roch Marc Christian Kaboré avait en effet été le Premier ministre de Compaoré et était allié à de nombreux amis du dictateur, avant de se retourner contre eux.
Ce qui n’aide pas non plus, c’est que justement, le procès de Compaoré, Kafando, Diendéré et leurs co-accusés pour le meurtre de Sankara, est actuellement au point mort.
Blanchir les assassins de Sankara ou déclarer la junte illégale
Les avocats de la défense des accusés de l’assassinat de Sanakara ont saisi le Conseil constitutionnel le 3 mars. L’avocat Olivier Somé estime que, « si l’attentat à la sûreté de l’État est devenu légal (chef d’accusation du coup d’Etat au Burkina Faso), je ne vois pas pourquoi nos clients sont poursuivis ».
En effet, le même Conseil constitutionnel avait, la veille, validé l’investiture de Paul-Henri Sandaogo Damiba à la présidence. Ce qui rend, en effet, difficile pour l’organe à la tête du pouvoir judiciaire de se réclamer d’une quelconque exception. Certes, le dernier putsch est légal selon une décision du Conseil constitutionnel.
Mais il ne s’agit pas seulement de légalité. Aux yeux des populations, voir le procès des assassins de Thomas Sankara arrêté avec le risque que la Cour blanchisse les accusés serait inacceptable. Pire, le retour aux responsabilités des membres de la sécurité de Roch Kaboré étonne.
N’était-ce pas pour son échec sécuritaire que Roch Kaboré, démocratiquement élu, a été écarté et emprisonné ? N’était-ce pas pour une gouvernance sécuritaire forte que les Burkinabés demandaient, après le coup d’Etat de fin janvier ?
Le Conseil constitutionnel risque de n’avoir que deux choix, à l’avenir, selon un spécialiste de la politique au Burkina Faso : « Blanchir les assassins de Sankara ou déclarer illégale la junte au pouvoir ».