Accusée par plusieurs pays de partialité, la chaîne TV5 Monde oublie de plus en plus les règles de base du journalisme…
En mai dernier, la Haute autorité malienne de la communication (HAC) suspendait TV5 Monde des bouquets de diffusion dans le pays, comme RFI et France 24 auparavant. Bamako déplorait alors un traitement « partial » de l’information et des propos « diffamatoires » à l’encontre des Forces armées maliennes (FAMA) de la part de la chaîne francophone. Les autorités maliennes ont alors été accusées d’entraver la liberté de la presse, sans pour autant directement accuser TV5 Monde de fake-news. La HAC avait simplement affirmé que TV5 Monde avait « manqué de la prudence élémentaire qu’exige le journalisme » en refusant de donner la parole aux Forces armées maliennes (FAMA) que la chaîne accusait d’exactions, alors que de nombreuse « sources extérieures » avaient pu donner leur version des faits. Autrement dit, la rédaction de TV5 Monde réalisait ses reportages à charge. Une méthode fréquente.
Exemple encore ce mois-ci avec un « Journal Afrique » consacré au Togo. Invité par la chaîne à s’exprimer sur les manifestations de ces dernières semaines dans le pays ouest-africain, le ministre des droits de l’Homme, Pacôme Adjourouvi, a été littéralement pris dans un traquenard. La journaliste Renée Mendy, qui n’hésite pas à afficher ses convictions sur les réseaux sociaux — comme son soutien, par exemple, au Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko —, s’est en effet livrée à un exercice étonnant : la présentatrice a porté la voix des activistes qui avaient appelé à l’insurrection au Togo et n’a jamais laissé le ministre togolais s’exprimer. Jusqu’à le couper au moment où il répondait sur le cadre légal entourant les manifestations au Togo. Un épisode qui a fait réagir au sein des rédactions de TV5 Monde. « Elle a joué le rôle de procureur et posé des questions sans laisser une quelconque place à des réponses », s’étonne une source anonyme au sein de la chaîne.
Deux poids-deux mesures
Pour un spécialiste de l’audiovisuel, « ce traitement ne poserait aucun problème s’il était le même pour tous ». Rappelant que le journaliste Mohamed Kaci avait, fin 2023, été fustigé par la direction de la chaîne pour une interview trop musclée du porte-parole de l’armée israélienne. TV5 Monde, dans un communiqué, avait indiqué que, « à la fin de l’entretien mené par Mohamed Kaci, les règles journalistiques, applicables à toute interview, n’ont pas été respectées ». Le journaliste avait émis un jugement et n’avait pas laissé son invité répondre, la direction de la chaîne avait estimé que « l’entretien ne s’est pas terminé selon les normes en vigueur de maîtrise de l’antenne mais de façon trop abrupte ». La journaliste Renée Mendy pourrait cette fois bénéficier d’un deux poids-deux mesures, même si elle a utilisé des méthodes similaires.
Reste que les méthodes de TV5 Monde, que ce soit au Togo, au Mali ou dans d’autres pays africains, commencent à questionner les téléspectateurs africains. Certains y voient le simple relais de la voix des diasporas, pourtant loin d’être majoritaires, et une déconnexion vis-à-vis de la réalité sur le terrain. D’autres déplorent la mainmise du Quai d’Orsay. « Etourdir les africains, puis contrôler leur compréhension et vison du monde ainsi que leur réaction tels sont les buts de la propagande française à travers ses médias conçus pour l’Afrique, RFI, TV5 et France 24 », résume le Nigérien I.K. Abdourahamane dans un article consacré au néocolonialisme médiatique. Pour les spécialistes, c’est toute l’identité de TV5 Monde qui est remise en cause : la chaîne s’est rapprochée de plusieurs pays (Congo Brazzaville, Gabon, Cameroun ou encore Bénin) pour que ces derniers entrent dans l’actionnariat de la chaîne. « Au gré de ses intérêts, la chaîne choisit ses combats et fait désormais plus d’activisme que de journalisme », ironise le spécialiste de l’audiovisuel.