Une étude mondiale sur les chaleurs extrêmes a révélé qu’entre mai 2024 et mai 2025, près de la moitié de la population mondiale (49 %, soit 4 milliards de personnes) a subi 30 jours supplémentaires de fortes chaleurs. Ces journées ont été plus chaudes que 90 % des jours enregistrés entre 1991 et 2020.
Des scientifiques de World Weather Attribution, du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et de Climate Central ont découvert que le changement climatique avait également doublé le nombre de vagues de chaleur dans le monde. Cette étude a également recensé 67 épisodes de chaleur extrême influencés par le changement climatique.
The Conversation Africa s’est entretenu avec la climatologue Joyce Kimutai, l’une des auteurs du rapport.
Quel est le lien entre le changement climatique et les vagues de chaleur ?
Le changement climatique modifie les phénomènes météorologiques extrêmes. En d’autres termes, il augmente l’intensité et la probabilité des vagues de chaleur et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes. Il ne les provoque pas puisque les phénomènes météorologiques extrêmes ont toujours existé. Mais il rend les vagues de chaleur beaucoup plus graves et plus nocives.
Beaucoup de gens ne se rendent toujours pas compte du danger que représentent les vagues de chaleur. Nous les appelons « tueurs silencieux » car elles causent souvent de graves dégâts sans les images spectaculaires qu’on voit avec les tempêtes ou des inondations. Les vagues de chaleur peuvent entraîner une déshydratation, des coups de chaleur, voire la mort, en particulier chez les personnes vulnérables telles que les personnes âgées, les enfants et celles souffrant de problèmes de santé préexistants.
Par exemple, notre étude porte sur une vague de chaleur qui a vu les températures dépasser les 45 °C au Sahel (région semi-aride de l’ouest et du centre-nord de l’Afrique). Pendant cet épisode, les températures ont dépassé les 45°C. Au Mali, on a même approché les 50°C.
Nous avons constaté que cette vague de chaleur était 1,5 °C plus chaude et dix fois plus susceptible de se produire en raison du changement climatique. Pour certaines personnes, 1,5 °C peut sembler insignifiant. Mais pour les personnes vulnérables, cela peut être une question de vie ou de mort.
Comment avez-vous déterminé les épisodes de chaleur extrême liés au changement climatique ?
Nous avons utilisé une méthodologie scientifique d’attribution et des modèles climatiques pour calculer l’impact du changement climatique sur un événement de température extrême. En d’autres termes, nous avons utilisé un système que nous avons inventé, appelé « Climate Shift Index », pour calculer le nombre de jours de chaleur extrême qui se seraient produits si les humains n’avaient jamais provoqué le changement climatique. Nous avons ensuite comparé ce chiffre au nombre de jours de chaleur extrême réellement enregistrés.
Cela nous a permis de compter le nombre de jours de chaleur extrême supplémentaires causés par le changement climatique au cours de l’année écoulée. Cela nous permet également de prédire que les vagues de chaleur deviendront plus fréquentes et plus intenses si les émissions de gaz à effet de serre des grandes entreprises polluantes qui brûlent des combustibles fossiles ne sont pas réduites de manière drastique.
Pour voir comment le changement climatique a affecté les températures au cours de l’année écoulée, nous avons d’abord déterminé ce qui était considéré comme une chaleur inhabituelle. Nous nous sommes basés sur les températures des 10 % des jours les plus chauds entre 1991 et 2020. Nous avons ensuite compté le nombre de jours entre le 1er mai 2024 et le 1er mai 2025 qui étaient plus chauds que ce niveau. Enfin, nous avons estimé combien de ces jours étaient dus au changement climatique.
Comment l’Afrique a-t-elle été touchée ?
Plusieurs pays africains ont connu plus de 90 jours de chaleur extrême. Cela signifie que ces journées ont été plus chaudes que 90 % des journées entre 1991 et 2020. Il s’agit du Burundi, des Comores, du Congo, de la Guinée équatoriale, du Gabon, du Ghana, du Liberia, de Mayotte, du Rwanda et de Sao Tomé-et-Principe. En d’autres termes, ces pays ont tous connu au moins trois mois (certains plus de quatre mois) de températures extrêmement élevées.
Les pays africains ont également connu 14 des 67 épisodes de chaleur extrême dans le monde. Une vague de chaleur extrême est un événement qui provoque d’importants préjudices aux personnes et aux biens, tels que la destruction des récoltes ou la fissuration des bâtiments. Ces vagues de chaleur ont touché 42 des 54 pays africains.
En Afrique, la vague de chaleur la plus fortement influencée par le climat s’est produite entre le 14 et le 30 décembre 2024. Nous avons constaté que le changement climatique avait multiplié par au moins 15 la probabilité de cet événement. Les pays particulièrement touchés se trouvaient en Afrique occidentale et centrale.
Une autre vague de chaleur a eu lieu en février 2025 au Soudan du Sud. Les écoles ont dû fermer pendant deux semaines car les enfants s’évanouissaient à cause des coups de chaleur. Toute la population a été invitée à rester à l’abri du soleil et à s’hydrater. Cela a posé problème car de nombreuses maisons au Soudan du Sud sont construites avec des toits en tôle et ne disposent ni de climatisation, ni de ventilateurs électriques, ni d’électricité. Toutes ne disposent pas d’eau potable.
L’Afrique australe a connu quatre vagues de chaleur extrême en 2024, dont deux épisodes de cinq jours. Ces événements ont été jusqu’à neuf fois plus probables à cause du changement climatique. Les pays d’Afrique du Nord ont aussi subi plusieurs vagues de chaleur sévères.
Cette analyse souligne les graves conséquences de la hausse des températures en Afrique. Chaque petite augmentation du réchauffement climatique exposera davantage de personnes à travers le continent à des chaleurs extrêmes qui menacent leur santé et leur bien-être.
Le changement climatique rend déjà la vie plus difficile sur tout le continent. Et si le climat continue de se réchauffer, les épisodes de chaleur extrême vont empirer. Les stratégies d’adaptation ne suffiront plus à protéger les populations.
Il est urgent de financer l’adaptation des pays africains face à ces chaleurs extrêmes. Ces fonds doivent aller en priorité aux pays les plus touchés.
Pour éviter que les épisodes de chaleur extrême ne s’aggravent à l’avenir, la seule solution est que le monde cesse, dès que possible, d’utiliser les combustibles fossiles responsables du réchauffement climatique.
Joyce Kimutai, Climate Scientist and Research Associate in the Centre for Environmental Policy – Faculty of Natural Sciences, Imperial College London
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.