Au Tchad, opposant historique d’Idriss Déby père, Succès Masra se présente à la présidentielle contre le fils Déby. Avec une défaite en ligne de mire ?
Au Tchad, lors d’un grand meeting à Ndjamena, le parti de Succès Masra l’a officiellement investi candidat à l’élection présidentielle du 6 mai prochain. Dans un contexte marqué par des défis sécuritaires, économiques et politiques, les partisans de Succès Masra affichent malgré tout leur optimisme quant à sa victoire.
Succès Masra, qui est passé de l’opposition au poste de Premier ministre, se lance désormais dans la course présidentielle avec détermination. “Oui, je suis candidat”, a-t-il déclaré avec enthousiasme devant ses partisans.
Malgré les tensions sécuritaires suite à la mort de l’opposant Yaya Dillo et les troubles sociaux causés par l’augmentation des prix du carburant, certains partisans comme Alice Sabra restent confiants. Elle rejette les analyses pessimistes et affirme : “Aujourd’hui, il vient de dire oui devant tout le monde et nous sommes prêts à l’accompagner !”
La route vers la présidence s’annonce difficile, notamment en l’absence de révision des listes électorales et avec des institutions largement contrôlées par le parti du président de transition, Mahamat Idriss Deby.
Dans son discours, Succès Masra a présenté un aperçu de son programme, mettant en avant cinq priorités : l’éducation, la justice, la sécurité, la diplomatie et l’économie. Entre les références bibliques, il a exposé sa vision pour l’avenir du pays, suscitant l’enthousiasme de ses partisans.
Condamné à rester un simple opposant ?
Le chef du parti Les Transformateurs avait été nommé Premier ministre par le président de transition Mahamat Idriss Déby Itno, succédant ainsi à Saleh Kebzabo, opposant historique au défunt président Idriss Déby Itno. Cette nomination marquait un tournant politique majeur, mettant en lumière le changement de posture de Succès Masra, autrefois opposant farouche au régime de Déby, désormais intégré au gouvernement.
Succès Masra s’était distingué en tant que critique virulent du régime militaire dirigé par le fils d’Idriss Déby Itno, ce qui l’avait conduit à l’exil après les violentes répressions des manifestations d’octobre 2022. Toutefois, son retour au Tchad en novembre 2023 et son appel en faveur du “oui” lors du référendum constitutionnel de décembre 2023 ont marqué un revirement politique significatif.
Ce référendum, considéré comme une étape clé vers le retour des civils au pouvoir, a été approuvé avec une majorité écrasante malgré les contestations de certaines factions de l’opposition qui avaient appelé au boycott.
L’accord de réconciliation signé entre Succès Masra et le pouvoir en place a été critiqué par une partie de l’opposition, qualifiant l’accord de “dupe” en raison de son amnistie générale pour les responsables des violences perpétrées lors des manifestations d’octobre 2022. Ces manifestations avaient été violemment réprimées, entraînant la mort de dizaines de personnes selon différentes sources.
Malgré les poursuites judiciaires engagées contre lui, notamment pour “tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel” et “incitation à un soulèvement insurrectionnel”, l’accord avec les autorités tchadiennes a permis la levée du mandat d’arrêt international émis à son encontre. Succès Masra, perçu comme le leader du soulèvement d’octobre 2022, avait passé plus d’un an en exil, plaidant sa cause à l’échelle internationale.