Le gouvernement des Comores a proposé aux exilés politiques de revenir sur l’archipel à quelques mois de la présidentielle. Un geste censé apaiser les tensions politiques.
Est-ce son arrivée à la présidence de l’Union africaine (UA) qui l’a changé ? C’était en 2018, moins d’un an avant la présidentielle comorienne. Le chef de l’État de l’archipel de l’océan Indien serrait la vis. L’opposition dénonçait alors des « abus de pouvoir et dérives autoritaires ». Réforme constitutionnelle contestée, qui devait permettre de renforcer les pouvoirs du président, interdictions de manifester, arrestations d’opposants, fermeture de la Cour constitutionnelle et de la Cour anticorruption… Les Comores, sous Azali Assoumani, ont semblé glisser vers la dictature.
Les exilés invités à rentrer aux Comores
Malgré ces dérives, illustrées par une modification constitutionnelle qui pourrait lui donner le droit d’être président jusqu’en 2029, Azali Assoumani, au terme d’une intense opération de lobbying, a réussi à obtenir la présidence de l’UA qui lui était promise. Ce qui n’a pas forcément été du goût de la société civile comorienne ou des opposants. Le blogueur comorien Anli Yachourtu Jaffar y voit « un outrage à la démocratie ». D’autres observateurs estimaient que le nouveau chef de l’UA avait assez fort à faire pour redresser son pays, pour ne pas s’embarquer dans une aventure continentale.
Surtout, pour les opposants au présidents, l’obtention de la présidence de l’UA pour les Comores ressemblait à un blanc-seing donné à Assoumani pour organiser, début 2024, une parodie d’élection présidentielle dont il sortirait, forcément, vainqueur. Or, le gouvernement comorien, certainement sur ordre du président, a fait une étonnante proposition aux exilés politiques. Il leur propose en effet, en vue de la campagne présidentielle, un retour « en toute tranquillité et quiétude » au pays, selon un communiqué publié lundi dernier par le ministère de l’Intérieur. Objectif affiché : apaiser le climat politique.
Pas de poursuites
Est-ce une réelle main tendue par Azali Assoumani ou une simple opération de communication censée embellir un peu plus l’image du président comorien à l’international ? Interrogé par RFI, pour Saïd Larifou, ancien candidat à la présidentielle de 2019, aujourd’hui en France, il s’agit de la seconde option. « Je m’attendais à ce qu’il adopte une posture responsable, à la hauteur des enjeux immédiats. Ce n’est pas par ce simple communiqué qu’on va rétablir la confiance, le dialogue. Cela doit résulter d’une volonté sincère du chef de l’État ».
Car dans les faits, le geste symbolique d’Azali Assoumani ne concernerait que les Comoriens exilés volontaires. « Il n’y a que deux personnes qui se trouvent à l’extérieur qui font de la politique dans le pays et qui sont frappées de condamnations », nuance le porte-parole du gouvernement Houmed Msaidié. Autrement dit, seuls les opposants non recherchés par les autorités sont invités à rentrer. Le gouvernement promet cependant qu’aucune condamnation ne sera prononcée au retour de ces dernier. Quant à Mohamed Ali Soilihi et Tocha Djohar, les deux exilés non concernés, ils pourraient bénéficier d’une grâce présidentielle. Mais le gouvernement ne peut, pour le moment, pas le promettre.