Discret depuis juin, l’imam Dicko est courtisé par les formations d’opposition. Mais pour l’instant, le responsable religieux malien préfère rester dans l’ombre.
Le chef religieux avait joué un rôle très important au moment des contestations contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). L’imam Dicko prend très peu la parole, mais lorsqu’il la prend, c’est généralement pour tirer à boulets rouges sur les uns ou les autres. En juin 2021, à propos de la France et des accusations d’ingérence de Paris, il avait affirmé : « Ce n’est pas à la France que l’on demande de discuter avec qui que ce soit ». Avant de rajouter : « Nous avons laissé le conflit devenir celui des Occidentaux. Alors que ce sont les Maliens qui en subissent les conséquences ». Un an plus tard, il dénonçait « l’arrogance » des dirigeants de la transition.
Depuis juin, on entend peu le leader religieux. Non pas qu’il ne tente pas d’œuvrer en coulisses. On se souvient qu’en 2020, il avait en effet été l’un des fers de lance de la transition, participant à la désignation de Moctar Ouane au poste de Premier ministre. Mais ces derniers temps, Mahmoud Dicko est écarté des grandes décisions.
Pourtant, le responsable religieux bénéficie encore d’un soutien populaire indéniable. Il faut dire que Dicko critique aussi bien le régime que la communauté internationale, dont il déplore « l’orgueil ». Mais ses critiques acerbes du pouvoir de transition l’ont placé, de fait, dans l’opposition. Et ont attiré les foudres, l’été dernier, de plusieurs membres de la coordination des mouvements et associations liés à l’imam. Les Maliens soutiennent majoritairement la junte en place et évitent donc soigneusement de suivre le leader religieux.
Une ligne politique trop incohérente ?
Mais les sorties contre Goïta et ses amis ont tapé dans l’œil de plusieurs organisations, qui se verraient bien s’allier avec l’imam Dicko dans le futur. Des émissaires du Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie sont partis, ces dernières semaines, à la rencontre du religieux.
Tous savent que Dicko ne reste jamais campé sur ses positions. La coalition comprend notamment le Rassemblement pour le Mali (RPM) d’IBK. Or, l’imam a, avant de lâcher le président malien déchu, soutenu ce dernier. Un retour dans la liste des soutiens du RPM n’est donc pas à exclure.
La dernière rencontre entre l’imam Dicko et le Cadre d’échange des partis date du mois d’août. Le religieux veut, pour le moment, se positionner en observateur avisé de la vie politique. Comme il l’a toujours fait, il refuse de jouer un rôle public et souhaite se présenter comme un conseiller. Reste que si la situation sociale ne s’améliore pas, l’imam pourrait prendre les commandes, une fois encore, d’une coalition d’opposition.
Malgré la diminution de l’influence de l’imam, ce dernier reste le baromètre de la contestation : s’il sort de son rôle de leader spirituel, il deviendra gênant pour les militaires au pouvoir. D’autant que l’ex-fer de lance du M5-RFP a un poids à l’étranger : en juillet 2020, plusieurs présidents ouest-africains avaient rencontré l’imam et tenté de le convaincre de jouer un rôle.
Pour tenter de ramener l’imam Dicko sur le devant de la scène, la coalition d’opposition tente de placer Laya Amadou Guindo, un proche du responsable religieux, en tant que médiateur.