Le premier vaccin contre le paludisme, Mosquirix, a été approuvé par l’OMS en 2021. Les études montrent qu’une véritable étape a été franchie.
La mise au point d’un vaccin efficace contre le paludisme s’est avérée bien plus difficile que celle d’un vaccin anti-COVID-19. Plusieurs vaccins différents contre le COVID-19 ont été développés et approuvés pour une utilisation dans l’année qui a suivi l’apparition de la maladie.
En revanche, il a fallu plus de 30 ans de recherches intensives et de nombreux essais cliniques menés par le Walter Reed Army Institute of Research et ses partenaires pour que le premier vaccin contre le paludisme, Mosquirix, soit approuvé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2021.
Mettre en place un vaccin contre une maladie à transmission vectorielle telle que le paludisme est un véritable défi. Le parasite prend différentes formes chez différents hôtes. Et il évolue constamment pour échapper au système immunitaire humain et aux interventions de contrôle.
Un pas important vers le déploiement équitable de Mosquirix a été franchi avec la décision de l’OMS accordant le statut de préqualification du vaccin en septembre 2022. L’étape de préqualification suit l’approbation. Elle permet de s’assurer que seuls des produits de bonne qualité sont achetés et distribués par les agences des Nations unies et d’autres grands donateurs.
Plus récemment, des chercheurs du Burkina Faso et de l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford – la même institution qui a développé le vaccin COVID-19 d’Oxford/AstraZeneca – ont fait leur propre révélation. Ils ont publié des résultats très encourageants issus d’un essai clinique évaluant le nouveau vaccin antipaludique R21.
Comme Mosquirix, le vaccin R21 cible le sporozoïte. Il s’agit du stade du parasite du paludisme qui est transféré à l’homme lorsque le moustique anophèle femelle infecté par le paludisme suce le sang. Lorsqu’ils sont efficaces, les deux vaccins garantissent que les sporozoïtes sont détruits avant de pénétrer dans le foie. Ils préviennent efficacement l’infection par le paludisme en arrêtant le cycle de vie du parasite chez l’hôte humain..
La lutte contre le paludisme a été considérablement renforcée par l’ajout de vaccins antipaludéens à l’ensemble des mesures de prévention. Ces vaccins ont le potentiel de réduire les maladies et les décès liés au paludisme chez les enfants de moins de cinq ans – l’une des couches actuellement les plus touchées par le paludisme.
Ce que montrent les études
Les deux vaccins – Mosquirix et R21 – ciblent le même stade parasitaire et utilisent les mêmes protéines du paludisme. Mais le vaccin R21 d’Oxford contient un plus grand nombre de ces protéines du paludisme. Il utilise également un adjuvant différent – une substance chimique qui stimule la réponse immunitaire de l’organisme. Ces deux facteurs sont censés améliorer l’efficacité du vaccin R21 en provoquant une réponse immunitaire plus forte.
Les données préliminaires sont tirées d’une étude de deux ans portant sur 409 enfants âgés de cinq à 17 mois. Les enfants ont reçu une dose de rappel 12 mois après avoir reçu les trois premières doses du vaccin. Les données suggèrent que le vaccin R21 a entraîné un niveau de protection plus élevé que le Mosquirix.
Huit enfants sur dix ayant reçu quatre doses du vaccin R21 n’ont pas développé de paludisme au cours de la période d’essai – faisant de ce vaccin antipaludéen le premier à atteindre l’objectif d’efficacité minimale de l’OMS de 75 % pendant 12 mois dans la population cible des jeunes enfants africains.
Les résultats de cette étude sont encourageants. Mais les chercheurs ont mis en garde contre une comparaison directe entre les performances des vaccins R21 et Mosquirix. Contrairement au vaccin Mosquirix, le vaccin R21 a été administré aux enfants avant le début de la saison du paludisme. Et il n’a été testé que sur un petit nombre d’enfants d’une région du Burkina Faso. En outre, un certain nombre de mesures de contrôle et de prévention étaient en place.
Une étude de plus grande envergure est nécessaire pour confirmer l’efficacité du vaccin chez les enfants africains sur l’ensemble du continent. Cette étude doit être réalisée dans des régions où l’intensité de la transmission du paludisme, les niveaux de malnutrition et d’anémie dans les populations cibles et la couverture des interventions de contrôle varient.
Quatre mille huit cents enfants de quatre pays africains – dont deux ont une transmission du paludisme toute l’année – ont été recrutés dans un essai clinique de phase 3. L’objectif de cet essai est de démontrer la sécurité et l’efficacité du vaccin dans un groupe d’enfants plus important et plus diversifié. Les chercheurs de l’Institut Jenner s’attendent à ce que l’utilisation du vaccin R21 soit approuvée l’année prochaine, à condition qu’aucun problème de sécurité inattendu ne soit soulevé dans cet essai de plus grande envergure
Des goulots d’étranglement au niveau de la fabrication et de la distribution ont empêché la distribution équitable et en temps voulu des vaccins COVID-19. Pour éviter que cela ne se reproduise, l’Université d’Oxford a signé un accord de fabrication avec le Serum Institute of India, le plus grand fabricant de vaccins au monde. En vertu de cet accord, le Serum Institute a accepté de fournir au moins 200 millions de doses par an. C’est beaucoup plus que les 15 à 18 millions de doses de Mosquirix que GlaxoSmithKline doit produire chaque année jusqu’en 2028.
Mais, selon l’OMS, cette quantité est bien inférieure à la demande de vaccins prévue. Pour augmenter la capacité de production, l’Institut Jenner est en pourparlers avec des fabricants de vaccins africains.
Les prochaines étapes
La fabrication des vaccins n’est que la première étape. Il faut aussi veiller à ce que les pays puissent se procurer les vaccins, à ce qu’ils soient livrés équitablement aux pays demandeurs et à ce que les vaccins soient distribués rapidement à tous les établissements de santé dans les zones à risque de paludisme. Et surtout, il faut que l’utilisation des vaccins soit optimale.
La désinformation, l’hésitation à se faire vacciner et les préoccupations en matière de sécurité ont contribué à un taux de vaccination plus faible contre le COVID-19, en particulier chez les enfants.
Pour qu’un vaccin contre le paludisme ait un impact, la promotion de la santé est essentielle. Les campagnes de sensibilisation doivent aborder les problèmes de sécurité, tout en soulignant les effets positifs attendus du vaccin.
Ces campagnes doivent cibler à la fois les professionnels de santé et les communautés affectées. Elles doivent être menées avant et pendant le déploiement du vaccin afin de s’assurer que toute nouvelle information erronée ou inquiétude soit traitée rapidement et efficacement.
Jaishree Raman, Principal Medical Scientist and Head of Laboratory for Antimalarial Resistance Monitoring and Malaria Operational Research, National Institute for Communicable Diseases
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.