Après avoir signé, en début d’année, un accord militaire avec Moscou, le président de Madagascar est menacé par Paris, qui veut mettre en veille ses projets de sécurité maritime sur place.
Les sourires n’étaient que de façade. La visite du président malgache Andry Rajoelina, le 29 août dernier à l’Élysée, ne devrait pas donner lieu, comme l’indiquait alors la presse, à un « renforcement de la coopération économique entre Madagascar et la France ». Les deux présidents avaient évoqué plusieurs sujets, de l’écologie à la transition énergétique, en passant par la sécurité alimentaire. Mais officiellement, Rajoelina et Macron ont évité plusieurs questions. Celle des deux Français emprisonnés à Antananarivo pour une supposée tentative de coup d’État, tout d’abord. Celle des relations entre Madagascar et la Russie ensuite.
Pourtant, à peine deux semaines après la rencontre Macron-Rajoelina, il y aurait de l’eau dans le gaz entre Madagascar et la France. En cause, selon Africa Intelligence, le non-alignement de la grande île sur les positions occidentales au sujet de la guerre en Ukraine. Mais surtout, Madagascar est actuellement en train de renforcer le partenariat militaire qui la lie avec la Russie.
Le non-alignement malgache qui déplait
Le 2 mars, à l’Assemblée générale de l’ONU, Madagascar s’était abstenu lors du vote de la résolution « condamnant l’agression russe en Ukraine ». Un mois plus tard, Antananarivo n’avait pas changé son fusil d’épaule, malgré une pression occidentale, et n’avait pas participé au vote sur la résolution décidant de la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Dans la plus grande discrétion, en début d’année, les autorités malgaches avaient signé un accord militaire avec la Russie. Après la polémique liée à la révélation de cet accord, Madagascar avait rappelé qu’il avait, avec Moscou, une relation vieille de « cinquante ans » et estimé qu’« il n’y a rien de particulier dans cet accord, semblable aux accords de coopération militaire conclus avec d’autres pays » comme la France, Les États-Unis ou la Chine.
En mars, un mois avant que n’explose la polémique, le patron de la coopération française de Défense, Thierry Marchand, s’était rendu à Madagascar pour consolider le partenariat entre les deux pays. Les projets de sécurité maritime portés par la France, mais également les projets américain et japonais, avaient en effet du mal à voir le jour.
Sauf que Paris semble désormais déterminé à profiter du fait que les projets tournent au ralenti pour lancer, à Madagascar, un chantage dont la France a le secret : la France lâchera en effet ses différents projets si Madagascar confirme sa coopération militaire accrue avec la Russie. Sauf que l’accord a été signé bien avant le conflit ukrainien et que Madagascar compte bien faire jouer sa pleine souveraineté dans ce dossier.
Un accord signé avant le conflit ukrainien
En quoi consiste cet accord ? « Toutes les armes que nous possédons, l’artillerie, les armes légères, les blindés, datent des années 1980. Nous avons donc besoin de pièces de rechange », résume le ministère malgache de la Défense qui poursuit : « Il s’agit de la défense nationale. De ce fait, le texte ne sera pas rendu public ».
C’est là l’enjeu du chantage français. En avril dernier, un diplomate international demandait de façon anonyme à RFI : « Il y a des éléments qui nous inquiètent : quel est le contenu réel de cet accord ? ». Avant d’admettre que « ça peut ne pas être grand-chose : la réparation et le remplacement d’équipement est un vrai besoin, mais ce texte donne aussi d’autres possibilités plus larges ».
« En réalité, Paris craint de voir débarquer sur la grande île les équipes de Wagner. Et met donc la pression sur Rajoelina en mettant dans la balance les projets sécuritaires signés il y a pourtant bien longtemps déjà », nous résume une source proche du dossier.