Le marabout est-il le douzième homme lors des rencontres de football ? L’Affaire Pogba nous rappelle combien les marabouts ont toujours été importants dans le sport africain.
Depuis plusieurs jours, l’affaire Pogba agite le monde du football. Mathias, le frère du joueur de la Juventus Turin Paul Pogba, avait promis des révélations fracassantes sur l’international français dont les parents sont originaires de Guinée. Très vite, le footballeur a pris les devants en indiquant que son frère Mathias l’avait menacé de le discréditer en publiant des messages dans lesquels il aurait demandé à un marabout de jeter un sort à Kylian Mbappé. Si Paul Pogba assure n’avoir jamais fait appel à un marabout, cette pratique reste ancrée dans le football africain.
Zidane et les Bleus maraboutés ?
Lorsqu’en 2002, la France perd 1 à 0 contre le Sénégal en Coupe du monde après l’annonce du forfait de Zidane pour ce match, un marabout sort de l’ombre. Le désormais célèbre Kahone était l’un des seuls à avoir prédit une victoire sénégalaise. Dès le but marqué par Papa Bouba Diop, « les gens se sont dit : cette victoire n’est pas réaliste, c’est sûr qu’ils ont usé de pouvoirs mystiques », assure Khaly Sambe, enseignant à l’Inseps (Institut national supérieur de l’éducation populaire et du sport), à Rue89.
Le maraboutage ne s’est pas limité à ce match entre la France et le Sénégal. En 2012, l’entraîneur du Ghana, Goran Stevanovic, s’étonnait dans un rapport rendu à sa fédération que certains de ses joueurs aient eu recours à la sorcellerie. « Nous devons tous aider à changer la mentalité de certains joueurs qui ont usé de ‘magie noire’ pour se détruire mutuellement », écrivait le coach.
Ancien international ghanéen, Sarfo Gyami répondait au Serbe que « cela a toujours existé ». Mais il admettait que les joueurs utilisaient le maraboutage « pour se protéger et généralement pour attirer la chance », pas pour en user contre leurs coéquipiers.
Si les sélectionneurs occidentaux ont bien du mal à comprendre l’usage du maraboutage, les instances africaines du football ont elles aussi tenté d’endiguer ce phénomène. Au Sénégal, par exemple, le maraboutage est tout bonnement interdit aux abords des stades. Pour des raisons de sécurité : la Ligue professionnelle de football cherche en effet à éviter les violences entre supporters. « Nous avons tenu à interdire les pratiques occultes dans le cadre de la modernisation du football. Mais il y a toujours une part de traditionnel incompressible », nuance cependant Louis Lamotte, le président de la Ligue.
La CAF rêve d’interdire les marabouts
Car qui peut empêcher joueurs et supporters, avant un match, de faire appel à un marabout ? D’autant que cela participe parfois à un simple rituel d’avant-match. « Même si un joueur ne croit pas en son efficacité, il en a besoin pour se rassurer », explique Khaly Sambe au journal français.
Dans le football, « qu’il s’agisse de la victoire ou de la défaite, le résultat dépend du pouvoir des marabouts engagés par chaque équipe. Donc le marabout est perçu comme un magicien, un voyant, un divin. Mais au-delà de cette analyse, il est légitime de s’interroger à savoir si le maraboutage n’est finalement rien d’autre qu’une guerre psychologique », écrivent quant à eux trois chercheurs sénégalais s’étant intéressés aux « influences du maraboutage sur la performance en football des équipes navétanes ».
Preuve chez les Eperviers du Togo : pour chacun des matches, les joueurs font appel à des marabouts, des féticheurs et à d’autres pratiques de magie noire. Un proche de la sélection togolaise raconte par exemple qu’« un cadre des Eperviers a utilisé plus de 30 millions de francs CFA dans les préparations mystiques ».
Lors de la CAN 2002, le coach des Lions indomptables, Winfried Schafer, et son assistant avaient été arrêtés par la police alors qu’ils voulaient installer une amulette magique sur la pelouse du stade du 26-Mars. Des faits similaires ont souvent été rapportés, pour d’autres sélections.
Entre maraboutage et préparation physique très stricte, les joueurs ont semble-t-il réussi à trouver un équilibre. Mais la Confédération africaine de football aimerait voir disparaître les marabouts. La CAF estime que le recours à la magie noire donne une mauvaise image au football africain.