Dimanche s’est conclu le troisième et dernier round des discussions entre les deux chambres parlementaires libyennes, en Egypte. C’est la cheffe de la Manul, Stephanie Williams, qui a arbitré les pourparlers. Un camouflet pour l’Américaine.
Quatre mois. C’est le temps qu’ont déjà pris la Chambre des représentants (HoR) et le Haut Conseil d’Etat (HCS) — les deux chambres parlementaires libyennes — pour décider du cadre constitutionnel pour les prochaines élections. Des discussions que l’Egypte a accueillies, et que la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies, Stephanie Williams, a voulu encadrer.
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Finalement, ces discussions n’ont donné lieu à aucun résultat tangible. La cheffe de la Manul a multiplié les annonces, assurant d’abord qu’il ne restait que « quelques détails à régler » pour que les discussions se terminent enfin et que la date des élections soit annoncée.
Ce lundi, changement de ton. Elle a expliqué qu’à la fin des dernières réunions du Caire, même si « le Comité mixte est parvenu à un large consensus sur les articles litigieux du projet de Constitution libyenne », « des divergences persistent sur les mesures régissant la période de transition menant aux élections ».
Autrement dit, c’est un échec. Stephanie Williams s’est contentée d’appeler les présidents des deux chambres parlementaires — Aguila Salah et Khaled al-Michri — à se réunir dans les dix jours qui viennent « pour résoudre les problèmes en suspens ».
Stephanie Williams sur la sellette ?
L’Américaine semble n’avoir rien appris des échecs de ses médiations passées. Bruxelles, Paris, Casablanca, Le Caire ou encore Tripoli… Salah et al-Michri se sont rencontrés à onze reprises, et ne se sont jamais entendus sur quoi que ce soit. Qu’il s’agisse d’élections, de légitimité du gouvernement, de la nouvelle Constitution… Les représentants de l’Est et de l’Ouest libyens semblent éternellement irréconciliables.
Une déception pour Stephanie Williams, qui n’a que quelques jours devant elle pour régler rapidement ce dossier. Les parties internationales qui sont intervenues pour ramener al-Michri et Salah à la table des discussions devront par la suite outrepasser les parlementaires pour discuter directement avec les Premiers ministres rivaux Abdel Hamid Dbeibah et Fathi Bachagha, ou Khalifa Haftar à la place de ce dernier.
Les parties en question sont la Turquie, l’Algérie, les Emirats arabes unis (EAU) et l’Egypte. Les diplomaties respectives de ces pays ont pris du recul pour donner cette dernière chance à Stephanie Williams. Mais ce qui transpire des déclarations, c’est que l’Américaine n’inspire pas confiance aux leaders des quatre pays. L’Algérie et l’Egypte, par exemple, ont exhorté les pays africains à présenter des candidats à la succession de Williams depuis des semaines.
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Mohammed el-Menfi prône une gouvernance à la libanaise
D’un autre côté, dimanche dernier, le Conseil présidentiel libyen, dirigé par Mohammed el-Menfi, a annoncé que son projet de réconciliation nationale était prêt. Ce projet devait être finalisé avant la dernière date des élections reportées en décembre dernier. Il s’agit d’un cadre légal de gouvernance qui, selon des sources du Journal de l’Afrique, prend pour exemple la Constitution libanaise. « El-Menfi proposera ce jeudi 23 juin un système de gouvernance réservant des positions dans le gouvernement et le parlement pour les issus de chaque région de la Libye », nous confie une source.
Or, un tel système de partage de pouvoirs tribalo-géographique peut-il convaincre toutes les forces vives de Libye ? Le Conseil présidentiel applique déjà quelque chose de similaire. Si el-Menfi et ses deux députés s’entendent relativement bien, gouverner une Libye, en proie au chaos, est sensiblement diffèrent de jouer un rôle diplomatique officieux.
La preuve, pendant qu’el-Menfi tente de trouver une solution intra-libyenne à la crise politique, son député pour la Tripolitaine Abdullah al-Lafi, lui, a demandé de l’aide à… l’Union européenne (UE). En effet, al-Lafi a reçu l’ambassadeur de l’UE en Libye, José Sabadell, afin de lui demander « l’aide technique » pour mettre en œuvre le projet de réconciliation nationale. Al-Lafi a également rencontré Aguila Salah et Khaled al-Michri pendant le weekend.
Côté africain, le ministre congolais des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso a été reçu, ce lundi par le Premier ministre Dbeibah, puis par son homologue libyenne Najla Mangoush à Tripoli. La diplomate a salué « le rôle massif » de l’Union africaine dans la réconciliation en Libye. On se demanderait presque ce dont Mangoush parle exactement.