A l’occasion de l’assemblée générale du pétrolier français Total, le patron de l’entreprise, Patrick Pouyanné, a promis que le projet de Total en Ouganda et en Tanzanie générerait un « gain net en biodiversité ». Des déclarations qui interrogent, alors que les écologistes attaquent le projet depuis des années.
Ce mercredi 25 mai, l’entreprise pétrolière et gazière française TotalEnergies a tenu l’assemblée générale de ses actionnaires à Paris. Une assemblée qui a provoqué des remous. Des manifestants, pour la plupart des militants pour l’environnement, ont essayé d’empêcher la tenue de la réunion.
Selon les médias français, un petit groupe d’actionnaires a déposé une résolution exigeant que Total se conforme à l’Accord de Paris sur le climat. La major française émet à elle seule entre 1 % et 2 % du dioxyde de carbone généré dans le monde — autour de 460 millions de tonnes.
En Afrique, Total est souvent critiquée. Notamment à cause de l’hégémonie de l’entreprise en raison d’accords conclus depuis des décennies, datant du colonialisme français pour certains d’entre eux. Mais alors que le continent subit le réchauffement climatique de plein fouet, Total est également critiquée pour l’éthique de ses projets, qui font fi du respect de la faune et la flore, et créent des catastrophes humaines.
L’année dernière, à cause de l’offensive terroriste dans le nord du Mozambique, Total a dû abandonner son projet gazier à Cabo Delgado, estimé à 20 milliards de dollars. Au vu du changement de régime en Tanzanie, depuis le décès du président John Magufuli, l’entreprise française a décidé de se rabattre sur un projet différent : le Pipeline de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP).
Que cache la ténacité de Total en Ouganda et en Tanzanie ?
L’EACOP est en préparation depuis 2016. Le pipeline n’est, toutefois, qu’une partie du projet de Total. En effet, le projet d’exploitation pétrolière ougandais « Tilenga », avec ses 419 puits, en est la base. Et Total s’est trouvée très rapidement confrontée aux exigences de transparence de la part des présidents Yoweri Museveni et John Magufuli.
Puis, ce fut au tour du consortium qui finance le projet, comptant notamment les banques Credit Suisse, BNP Paribas, Crédit Agricole, Barclays… « Le projet était trop dur à défendre » d’un point de vue environnemental, commente le journal Les Echos. Naturellement, ce sont ensuite les ONG qui ont agi. Survie, Les Amis de la Terre, et quatre ONG ougandaises ont dénoncé les risques de Tilenga et de l’EACOP. Le groupe d’organisations avait même assigné Total en référé. Peine perdue.
Au final, Total a donc passé plus de six ans à rassurer les investisseurs et les opposants, a dû passer par un partenariat avec la compagnie pétrolière chinoise CNOOC et céder 10 % de parts supplémentaires du double projet aux compagnies nationales ougandaise et tanzanienne, pour en arriver, en février dernier, au stade d’exécution.
Pourtant, les réserves des ONG sur les dégâts potentiels du projet sur l’écosystème, ainsi que la compensation des populations déplacées qui se fait toujours attendre, sont toujours d’actualité. Pour cette raison, le président-directeur général de Total, Patrick Pouyanné, a tenté de convaincre l’opinion publique de « la transparence et l’engagement environnemental du groupe dans ces projets en Ouganda et en Tanzanie », écrit le média français RFI.
Encore un mensonge de Patrick Pouyanné ?
« L’annonce en février 2022 du lancement de ce développement, marque notre engagement qui se veut exemplaire en matière de développement durable. Projet pétrolier à faible intensité carbone, création de valeurs pour les pays et les communautés locales, gain net en matière de biodiversité, tels sont nos engagements. Notre engagement est d’appliquer les meilleurs standards internationaux et d’être transparents sur l’ensemble des actions que nous mettons en œuvre », a déclaré Pouyanné ce mercredi. Il a promis de restaurer 1 000 hectares de forêts, de doubler les effectifs des rangers et de réintroduire le rhinocéros noir dans le parc de Murchison Falls, l’un des plus importants d’Ouganda et d’Afrique.
Ce qui rappelle une promesse similaire du patron de la major française, l’année dernière, qui s’était révélé être un mensonge. En avril 2021, Patrick Pouyanné avait annoncé : « Face aux oppositions, la seule stratégie est la transparence absolue. Le conseil d’administration a décidé de publier tous les audits, toutes les études. (…) la seule bonne politique pour les groupes comme le nôtre est de répondre par des faits. Cela ne suffira peut-être pas à convaincre tout le monde, mais on ne pourra pas nous reprocher d’avoir caché des choses ».
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Pourtant, ces audits et ces études se font toujours attendre. Du côté de la société civile, de nombreux manquements de Total sont constamment dénoncés. L’activiste Richard Orébi assure que, sur le terrain, les milliers de personnes déplacées pour le projet de Total attendent encore leur compensation pour les terrains cédés. Mais, aussi, qu’une promesse en particulier de Patrick Pouyanné ressemble plus à une menace.
« Ils disent vouloir doubler le nombre de rangers, mais cela n’a pas beaucoup de sens. Nous avons déjà des rangers et cela n’a pas empêché que le parc de cet espace protégé soit empiété. Pour moi, doubler le nombre de rangers, ça ira à l’encontre des militants comme nous, de la société civile, des journalistes. C’est pour nous bloquer l’entrée au parc et empêcher que l’on sache les choses qui sont faites à l’intérieur », s’inquiète Orébi.