Le 25 mai marque le 59e anniversaire de la Journée mondiale de l’Afrique, célébrant la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), remplacée depuis par l’Union africaine (UA).
La Journée mondiale de l’Afrique sera fêtée avec deux jours de retard cette année. A Malabo, en Guinée équatoriale, l’Union africaine (UA) tiendra deux sommets successifs, les 27 et 28 mai prochains. Le premier concernera le terrorisme et d’autres enjeux sécuritaires et juridiques, comme les crimes de guerre. Le second sera relatif au thème des « changements anticonstitutionnels de gouvernement ». Tout un programme pour ce que l’avocate des droits humains, Jacqueline Moudeïna, définit comme un « syndicat de chefs d’État qui se couvrent mutuellement ».
Ces deux sommets seront en tout cas loin d’être festifs. Si la date correspond, à deux jours près, à la création de l’ancêtre de l’UA, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’heure est aux dossiers chauds. Mais le 25 mai, date de la Journée mondiale de l’Afrique, reste l’occasion de se souvenir de la raison d’être de l’UA, et de l’OUA avant elle.
La charte de cette organisation a été rédigée par le président togolais Sylvanus Olympio quelques mois avant son assassinat commandité par la France, les Etats-Unis, et Eyadema Gnassingbé. Autre participant à l’écriture de la charte de l’OUA, un champion de l’unification de l’Afrique — malgré l’échec de son rêve —, le chef d’Etat malien Modibo Keïta.
Parmi les objectifs de l’OUA, deux en particulier interpellent rétrospectivement. Tout d’abord, celui pour les pays africains de « coordonner et intensifier leur coopération et leurs efforts pour offrir de meilleures conditions d’existence aux peuples d’Afrique ». Et puis, l’harmonisation des politiques générales des Etats africains « dans les domaines suivants : politique et diplomatie ; économie, transports et communications ; éducation et culture ; santé, hygiène et nutrition ; science et technique ; défense et sécurité », lit-on dans la charte de l’OUA.
L’OUA était donc une première tentative sincère de rapprocher les peuples d’Afrique et les Etats africains. En réalité, l’instance a connu de nombreux échecs, mais aussi quelques victoires. Il n’est pas certains qu’on impute à l’Union africaine un bilan aussi positif.
L’OUA à l’origine de la discorde africaine ?
L’OUA a été fondée à une époque où de nombreux territoires africains gisaient encore sous le joug du colonialisme européen. Même dans les pays indépendants, l’Afrique était minée par les attaques étrangères.
Mais surtout, l’OUA était divisée en deux blocs. D’un côté, les défenseurs de l’idée des « Etats-Unis d’Afrique », prônée par Jomo Kenyatta, Kwame Nkrumah, Modibo Keïta et Ahmed Sékou Touré. De l’autre côté, des présidents plus nationalistes, plus proches de l’Occident, à l’instar de Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Félix Houphouët-Boigny et William Tubman. Entre les deux, de nombreux leaders africains étaient tiraillés. Lors des conférences de l’OUA, il y avait beaucoup de mésententes, même si les discours tentaient de satisfaire tous les idéaux.
On critique souvent l’OUA pour son manque de pragmatisme ou l’immobilisme de ses chefs. En réalité, plusieurs pays membres n’ont jamais reçu d’aide de l’OUA contre les ingérences étrangères, à l’instar du Congo, de l’Angola et du Mali. Dans son livre « L’effondrement de l’Organisation de l’unité africaine », le Ghanéen Kofi Kufuor dénonçait « les contraintes imposées sur les actions par la charte de l’OUA ».
Et, en effet, le principe de non-ingérence entre les Etats membres de l’OUA — imposé par le groupe de Monrovia — a été à l’origine de bien des problèmes. Lors des guerres civiles en Angola, au Congo et au Libéria, l’OUA s’est contentée de discours, évitant les actes. Et la plupart des initiatives de zones de libre-échange, de groupements d’Etats, de politiques d’éducation communes étaient vouées à l’échec par manque de volonté politique.
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Le président du Burkina Faso, Thomas Sankara, est plus ou moins le seul leader africain qui, dans les années 1980, a démontré que le panafricanisme et le développement pouvaient coexister. Et concernant l’OUA, Sankara disait que « l’Afrique est face à elle-même avec des problèmes que l’OUA réussit toujours à contourner en remettant leur résolution à demain. Ce demain-là, c’est aujourd’hui. On ne peut plus remettre à demain toutes ces questions. C’est pourquoi nous trouvons que cette crise est tout à fait normale. Elle arrive peut-être même avec un peu de retard ».
L’Afrique toujours désunie, et face aux mêmes problèmes
Aujourd’hui, le principe d’unité africaine semble impossible à atteindre. En vérité, depuis les décès de Mouammar Kadhafi en 2011, puis de Mugabe en 2017, et enfin de Jerry Rawlings en 2020, il ne reste plus de figures politiques africaines entretenant l’idée même de l’unité africaine.
Quant à l’héritière de l’OUA, l’Union africaine (UA), force est de constater qu’en plus de souffrir des mêmes problèmes que son ancêtre — la division et l’apathie —, elle est confrontée a d’autres, encore plus graves, sur le plan de l’efficacité.
L’UA « fêtera » donc cette journée du 25 mai dans un contexte bien triste. La pénurie alimentaire en premier lieu qui, si on l’attribue souvent au conflit russo-ukrainien et les importations au point mort, relève réellement de la faillite du développement agricole en Afrique. Il fut un temps où la « cura annonae » signifiait, pour l’empire romain, que l’Egypte nourrissait l’un des empires les plus étendus de l’Histoire.
De plus, l’Union africaine se réunira à Malabo amputée de quatre de ses Etats-membres : le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Soudan. En Afrique, aujourd’hui, un pays — le Mali — est sous le coup d’un embargo de la part de ses voisins, pour des affaires qui, au final, lui sont souveraines.
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Mais, surtout, l’Afrique souffre des mêmes problèmes dont elle souffrait il y a 59 ans. Sur la sécurité, l’éducation, la santé, le commerce, la diplomatie et la bonne gouvernance.
Sur ce dernier point, Human Rights Watch a appelé les membres de l’UA à « s’attaquer à la question du déficit démocratique et aux problèmes liés à la corruption, à l’impunité, à la limitation des mandats et à la nécessité d’organiser des élections libres et équitables, qui ont nui au développement et encouragé des changements de gouvernement qui privent les citoyens africains du droit de choisir leurs dirigeants ».