Dans la nuit de mardi à mercredi, un attentat a causé la mort de huit soldats togolais. L’attaque terroriste, qui a eu lieu dans le nord du Togo, était prévisible. Explications.
Ce 11 mai, très tôt dans la matinée, un attentat terroriste a secoué le nord du Togo. L’attaque a eu lieu à Kpinkankandi, où l’armée togolaise conduit son opération Kondjouaré qui vise à sécuriser les frontières avec le Burkina Faso.
Le bilan est terrible : 8 morts et 13 blessés, selon les autorités togolaises. L’attaque a été difficilement repoussée, mais le timing tout autant que sa violence interrogent. En effet, une soixantaine d’« individus armés non-identifiés » ont attaqué Kpinkankandi et visé délibérément les soldats togolais.
Cet attentat, selon le chercheur spécialiste du terrorisme au Sahel Mahamadou Sawadogo, est « un message ». Mais à destination de qui ? Et que faut-il comprendre ?
Le projet d’expansion des groupes terroristes
Depuis un peu plus de deux ans, le Togo se préparait à l’expansion des groupes terroristes sahéliens sur son territoire. Le chef de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) française, Bernard Emié, avait d’ailleurs averti, en février 2020, le Togo mais également la Côte d’Ivoire et le Bénin voisin de ce projet.
Une expansion des violences terroristes dont les renseignements français imputaient alors la responsabilité aux chefs des groupes terroristes maliens, à savoir l’ancien chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), mort depuis, Abdelmalek Droukel, ainsi qu’à ses homologues du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et de la Katiba Macina, Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa.
Ces derniers ont vu leur influence dans la zone des « Trois frontières » s’amenuiser sous les assauts de l’armée malienne ces derniers mois. Mais au Burkina Faso, voisin immédiat du Togo, les observateurs sont beaucoup moins optimistes, tant la situation est floue. D’autant plus qu’au sein de la nébuleuse terroriste du Sahel, l’élimination de plusieurs chefs de guerre par les bombardements français a brouillé l’organisation et les objectifs immédiats des terroristes.
Entre temps, la Côte d’Ivoire avait subi plusieurs attaques visant des militaires sur les frontières avec le Burkina Faso. Plus récemment, le Bénin a également dû faire face à trois attentats meurtriers, à la fin de l’année 2021. A en croire les autorités béninoises, les attaques avaient alors été menées par le groupe Etat islamique.
Au Togo, les autorités sécuritaires devaient donc forcément s’attendre à une attaque terroriste. Restait alors à savoir quand elle aurait lieu. Plusieurs membres de cellules de reconnaissance des groupes armés avaient préalablement été appréhendés dans le nord togolais, puis libérés après leur interrogatoire à cause d’un vide juridique.
Une attaque terroriste prévisible
Selon des documents confidentiels publiés par l’AFP, le Togo avait dédié 700 soldats à la surveillance de la région des Savanes, dans le nord du pays, depuis le début de l’opération Kondjouaré en 2018. Un chiffre qui a largement augmenté depuis. Le Togo a, de plus, beaucoup investi dans l’armement, achetant des hélicoptères militaires et des blindés aux armuriers français, afin de se préparer au fameux « projet d’expansion » des groupes terroristes.
Est-ce là la faillite du renseignement togolais ? Car, outre le chemin emprunté par les terroristes, qui se dirigent de plus en plus vers les pays de la Côte de l’Or, et malgré les arrestations de terroristes issus des cellules de reconnaissance, d’autres indicateurs annonçaient de nouvelles attaques terroristes au Togo.
En effet, dans l’est burkinabé, le groupe terroriste Ansarul Islam, affilié à Aqmi, a conduit deux attaques qui ressemblent beaucoup à celle subie par le Togo ce mercredi. La première, le 14 novembre dernier, a fait 53 victimes militaires dans les rangs de l’armée burkinabé, ainsi que quatre civils. La seconde, à 30 kilomètres de la frontière togolaise, a visé la réserve de Pama en décembre 2021. Depuis, ce n’est un secret pour aucun spécialiste du terrorisme : Ansarul Islam est installé dans cette région forestière.
Les attaques terroristes qui se déroulent désormais sur le sol togolais ne surprennent donc pas. Même le président togolais Faure Gnassingbé semblait savoir que son pays allait être touché — lors de son dernier déplacement à Dapaong, dans le nord du pays, il avait déclaré que « la menace terroriste est réelle et la pression est très forte… on la ressent un peu plus chaque jour ». Mais la riposte semble avoir tardé de la part des services de renseignement qui auront, semble-t-il, bien du mal à juguler la menace terroriste à court terme.