L’empire du Milieu pourrait dépasser les États-Unis en termes de PIB d’ici 3 ou 4 ans mais les détrône déjà dans l’innovation ou les matières premières hors énergie.
La notion de « grande puissance » fait référence à des domaines comme la capacité à contribuer à l’ordre mondial ou le développement militaire. En matière économique, la notion de « puissance économique » est souvent mesurée par le produit intérieur brut (PIB).
Ainsi, selon cet indicateur, l’Inde était en tête devant la Chine jusqu’aux années 1500. Puis la Chine a pris la première place jusqu’au milieu du XIXe siècle. Au moment de la révolution industrielle, l’Empire britannique a pris la première place avant de se faire doubler par les États-Unis juste avant la Première Guerre mondiale. Depuis un peu plus d’un siècle, les États-Unis sont ainsi considérés comme la première puissance économique mondiale.
Malgré tout, il y a eu des challengers. En 1956, le prix « Nobel d’économie », Maurice Allais indiquait qu’avec son rythme de production industrielle, l’Union soviétique allait rattraper les États-Unis vers 1970-1975. En effet, la croissance était de 4 à 10 % (comme aux États-Unis au XIXe siècle). Mais avec les chocs pétroliers et les crises économiques, cela ne fut pas le cas.
Dans les années 1980, le Japon était en train de rattraper les États-Unis. Son PIB augmentait de 5 % par an alors que celui des États-Unis de 1 %. À ce rythme, le Japon pouvait prendre la place de première puissance économique du monde. Finalement, cela n’est jamais arrivé avec la stagnation de l’économie japonaise.
Plus récemment, le décollage économique de la Chine a permis à ce pays de dépasser rapidement tous les autres sur de nombreux critères jusqu’à atteindre la seconde place. Aujourd’hui, selon les indicateurs, la Chine et les États-Unis rivalisent pour la place de leader. Mais la hiérarchie a-t-elle effectivement été aujourd’hui bousculée ?
PIB, le grand rattrapage chinois
Pour la Banque mondiale, les PIB totaux sont respectivement de 15 000 milliards et 21 000 milliards. La tendance montre quand même que les courbes pourraient se croiser d’ici trois ou quatre ans.
Et, si on utilise les PIB constants en parité de pouvoir d’achat, la Chine a déjà dépassé les États-Unis avec 23 000 milliards contre 20 000 milliards.
Le Fonds monétaire international (FMI), dans son World Economic Outlook, indique quant à lui des prévisions pour 2022 pour le PIB courant à 18 000 milliards de dollars en 2022 pour la Chine contre 24 000 milliards pour les États-Unis.
On observe d’ailleurs que la Chine a fait un bond sur ces deux dernières décennies en matière commerciale. D’après l’Organisation mondiale du commerce à laquelle la Chine a adhéré en 2001, pour les exportations de marchandises, la part de la Chine est passée de 5,9 % à 15,2 % entre 2003 et 2020, alors que la part des États-Unis a reculé de 9,8 % à 8,4 %.
La Chine est donc désormais, et de loin, le premier exportateur mondial de marchandises. En valeur, cela représente 2600 milliards de dollars pour l’empire du Milieu, contre 1400 milliards de dollars pour les États-Unis.
L’« usine du monde » est d’ailleurs aujourd’hui le premier fournisseur de plus de 60 pays, dont une vingtaine en Afrique.
Le pari de la R&D
Au-delà de l’indicateur que constitue le PIB, on observe également que la Chine rivalise désormais avec les États-Unis en matière d’innovation. La Chine est ainsi devenue le premier déposant mondial de brevets en 2011 devant les États-Unis et le Japon. Longtemps considérée comme une nation douée pour la copie, la Chine a donc depuis plusieurs décennies misé sur l’innovation et la R&D (même si le nombre de brevets n’est pas le seul indicateur, car il faut examiner l’exploitation de ces brevets les redevances qu’ils génèrent).
Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’écart est même en train de se creuser : la Chine dépose plus de deux fois plus de brevets que les États-Unis et représente à elle seule 43 % de dépôts dans le monde.
En matière de R&D, les investissements chinois sont considérables et ont aussi fortement augmenté. Selon l’Organisation de coopération et de développement (OCDE), la Chine est passée de dépenses représentant 0,9 % du PIB en 2000 à 2,4 % en 2020. Sur la même période, la France est passée de 2,1 % à 2,3 %, et les États-Unis de 2,6 % à 3,4 %. En volume, la Chine est passée de 38 milliards de dollars en 2000 à 563 milliards en 2020. Elle reste encore derrière les États-Unis (664 milliards) à la seconde place. En outre, la Chine a dépassé les États-Unis en nombre de chercheurs (2 millions contre 1,4 million).
Quant la comparaison entre les tissus d’entreprises, les États-Unis restent encore devant la Chine, avec une capitalisation boursière près de quatre fois supérieure grâce aux groupes comme Apple, Microsoft, Amazon, Facebook… Mais l’écart se resserre avec la montée de Tencent, Alibaba…
Côté chinois, les géants du numérique sont plus récents mais en forte croissance : Alibaba a un chiffre d’affaires de 72 milliards de dollars (contre 296 pour Amazon), Tencent a 1,2 milliard d’utilisateurs, Baidu comptabilise environ 80 % des requêtes en Chine, Xiaomi a 13,5 % des parts de marché (devant Apple et derrière Samsung). En termes de capitalisation boursière, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), représentent trois fois moins que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) mais avec des taux de croissance supérieurs en termes de chiffres d’affaires.
La montée en puissance économique de la Chine se traduit également par son rôle de plus en plus important sur le marché mondial des matières premières. Pour le fer et l’acier, d’après l’OMC, la Chine est ainsi aujourd’hui le premier exportateur mondial avec 13 % du marché, loin devant les États-Unis à 4 %. Par ailleurs, la Chine est le pays qui extrait le plus d’or (devant l’Australie, la Russie et les États-Unis), et produit le plus d’aluminium (devant la Russie, le Canada et l’Inde).
Cependant, pour le pétrole et les autres combustibles, les États-Unis restent le premier exportateur mondial avec 8,6 % du marché, loin devant la Chine à 2,6 %. Et ce secteur crucial reste problématique pour la Chine, qui représente 21 % des importations mondiales. Ceci étant, si ces importations permettent des exportations de produits finis plus importants, cela reste bénéfique à la Chine.
À l’avenir, la Chine peut aussi prendre une position dominante dans d’autres domaines. L’empire du Milieu investit par exemple massivement dans l’électrique : une voiture vendue sur cinq est aujourd’hui à moteur électrique et certaines villes remplacent tous leurs bus par des bus électriques. Dans ce secteur, la Chine investit partout dans le monde à travers l’entreprise State Grid Corp. of China (SGCC), qui est aujourd’hui le plus grand gestionnaire de réseau et de distribution d’électricité dans le monde.
Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.