Conditions climatiques, conflit en Ukraine, crise sanitaire… Le coût de la vie a explosé dans de nombreux pays africains. Qu’est-ce qui explique cette tendance ?
Au Sénégal, en Tunisie et au Cameroun, les prix du poulet s’envolent… Quant aux farines, aux huiles et au riz, ils sont également en perpétuelle augmentation. La vie est devenue très chère pour des populations qui observent les prix monter, alors que les salaires, eux, stagnent. Une tendance qui n’est pas nouvelle et qui a débuté bien avant la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Premier déclencheur de cette flambée des prix : la pandémie de Covid-19. La crise sanitaire a fait exploser les tarifs des denrées de première nécessité.
Mais, surtout, les mesures gouvernementales des différents pays africains — confinement, fermetures de lieux publics, etc. — ont plongé les populations dans la précarité. L’an dernier, selon les statistiques de l’ONU, 490 millions de personnes vivaient en Afrique sous le seuil de pauvreté de 1,90 dollars PPA (Parité de pouvoir d’achat) par jour. Sans la Covid-19, ce chiffre aurait frôlé les 450 millions.
Les cours du pétrole ont un impact sur les prix
Selon Jean-David Naudet, économiste et statisticien à l’Agence française de développement, « on peut observer et prévoir certaines répercussions de la crise en Afrique, notamment sur le plan budgétaire. Déjà confrontée à un surendettement plus ou moins répandu avant la crise, l’Afrique doit faire face à une perte de recettes dans certains secteurs autrefois fructueux et prometteurs qui se retrouvent désormais fortement sinistrés (tourisme, hôtellerie…) ». Avec des secteurs autrefois porteurs qui ne fonctionnent plus à cause de la crise sanitaire, les répercussions sur les prix des denrées sont quasi automatiques pour compenser.
L’Afrique, de plus, subit une tendance mondiale : en septembre 2021, les prix alimentaires mondiaux ont augmenté de près de 33 %, par rapport à l’année précédente, selon l’indice mensuel des prix alimentaires de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Depuis 2011, on n’avait pas vu telle augmentation des prix des denrées. Des augmentations qui concernent les huiles végétales, les céréales, la viande ou encore le sucre.
La Covid-19 est-elle le seul facteur qui explique la montée des prix ? Absolument pas. Les cours, très volatiles, du baril de pétrole ont également eu un impact sur la durée… et pas seulement sur les tarifs des carburants. Depuis 2020, la hausse du prix du brut a eu un impact sur les prix des produits alimentaires de base. La faute à une augmentation des coûts de production et de transport.
Autre explication à cette hausse des prix : le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs. Les récoltes, la production et la transformation coûtent plus cher en raison de cette pénurie de salariés qualifiés, due, entre autres, à la pandémie de Covid-19.
Un climat défavorable et imprévisible
Enfin, le conflit en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont terminé de noircir le tableau. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), la Russie et l’Ukraine alimentent à eux deux 44 % des besoins en blé du continent. Certains pays sont dépendants à 100 % de ces deux Etats et doivent aujourd’hui acheter du blé au prix fort sur d’autres marchés. Des tarifs répercutés sur les prix de vente.
Autant d’explications à la hausse des prix des denrées alimentaires qui ne suffisent pas à expliquer pourquoi la vie est devenue si chère en Afrique. Car la tendance n’est pas nouvelle et ne date pas du début des années 2020. Alors que les prix avaient tendance à baisser depuis les années 1960, dès le début des années 2000, les tarifs ont suivi une courbe qui s’est inversée.
La faute, notamment, à des conditions météorologiques défavorables, qui sont l’une des raisons principales de cette inflation galopante depuis plus de vingt ans. L’Afrique du Nord a été particulièrement touchée par des épisodes de sècheresse en 2021 et 2022. Conséquence : les productions agricoles marocaines et algériennes ont respectivement chuté de 70 % et 38 %. Avec une conséquence immédiate : une hausse des prix des produits récoltés, devenus plus rares.
Mais plus globalement, l’imprévisibilité du climat handicape les récoltes depuis les années 2000. Depuis cette période, la demande dépasse l’offre et, forcément, fait exploser les cours à cause de stocks mondiaux qui ne cessent de diminuer. Et, surtout, des acheteurs comme la Chine participent à rendre plus difficiles les achats par l’Afrique de produits qui se font de plus en plus rares.