Dans une tribune, le candidat à la présidentielle française Eric Zemmour indique vouloir mettre « définitivement fin aux privilèges migratoires exorbitants des Algériens » et revenir sur l’accord de 1968 entre Paris et Alger.
« Élu président de la République, je mettrai définitivement fin aux privilèges migratoires exorbitants des Algériens ». Candidat à la présidentielle française, Eric Zemmour — crédité de 11 % des voix — propose dans une tribune publiée par Le Figaro de revenir sur l’accord franco-algérien de 1968. Signé le 27 décembre 1968 par le diplomate français en Algérie Jean Basdevant et par Abdelaziz Bouteflika, alors ministre algérien des Affaires étrangères, cet accord avait pour but d’« apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ».
Plusieurs fois modifié — notamment en 1985 ou encore en 2001 —, l’accord franco-algérien a déjà été mis en péril par la circulaire « Valls », du nom de Manuel Valls, ex-Premier ministre français, du 28 novembre 2012, qui prévoyait la réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Un accord déjà modifié au fil du temps
Depuis 1968, plusieurs articles du fameux accord franco-algérien de 1968 ont été abrogés. Par exemple, le certificat de résidence valable dix ans et délivré de plein droit aux ressortissants algériens mariés depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française ou aux ressortissants algériens justifiant leur résidence en France depuis plus de quinze ans ne sont plus valable.
Sur quoi voudrait, donc, revenir Eric Zemmour ? Le candidat d’extrême droite estime qu’« aucun gouvernement n’a osé revenir sur l’accord migratoire de 1968 » et que, s’il est élu président, il mettra « définitivement fin aux privilèges migratoires exorbitants les Algériens ». De quels privilèges parle donc Eric Zemmour ?
Sur son site, le ministère de l’Intérieur indique que les Algériens bénéficient d’un « régime spécifique » qui permet la facilitation de « l’entrée des Algériens en France », permet aux Algériens de bénéficier « de la liberté d’établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante » et qui permet aux ressortissants algériens d’« accéder plus rapidement que les ressortissants d’autres États à la délivrance d’un titre de séjour valable 10 ans ».
La fin des aides sociales pour les Algériens de France ?
En matière de santé, une convention, signée entre les gouvernements français et algérien le 1er octobre 1980, prévoit la prise en charge administrative et de financement des frais par la sécurité sociale algérienne, des soins de santé prodigués aux Algériens en France. En 2017, un rapport de l’Assemblée nationale s’inquiétait des difficultés de recouvrement par les autorités sanitaires françaises. Dans leur livre « Le déclassement français », Christian Chesnot et Georges Malbrunot affirmaient que la dette privée des ressortissants algériens envers l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s’élevait à près de 19 millions d’euros fin 2020.
Cette disposition n’a rien à voir avec l’accord de 1968, mais Zemmour se verrait également bien y mettre fin même s’il ne l’évoque pas dans sa tribune dans le Figaro. A la fin de l’année dernière, le polémiste annonçait son souhait de faire en sorte que « la solidarité nationale redevienne nationale ». Autrement dit, il indiquait vouloir revenir sur les privilèges accordés aux étrangers par la Caisse d’allocations familiales et mettre fin au revenu de solidarité active (RSA), aux aides au logement ou encore au minimum vieillesse.
Une promesse anticonstitutionnelle
Si Eric Zemmour risque de se confronter, en cas d’élection, à un refus catégorique de la part du Conseil constitutionnel concernant cette promesse électorale, le candidat tente surtout de surfer sur un sentiment anti-Algérien bien présent au sein de son électorat. A l’occasion des 60 ans de la signature des Accords d’Evian du 18 mars 1962, Eric Zemmour a fustigé les derniers présidents français : « La France n’a fait que battre sa coulpe devant des dirigeants algériens souvent arrogants, qui n’ont cessé, eux, d’agiter le ressentiment anti-Français, chez eux, mais aussi chez nous », a-t-il écrit dans une tribune.
Alors qu’Emmanuel Macron a timidement engagé un travail mémoriel avec Alger — non sans faire quelques erreurs —, Eric Zemmour compte balayer cela. Le candidat à la présidentielle assure que, s’il est élu président, il débutera dans les pays du Maghreb une « tournée » qui permettra de « remettre à plat nos relations et affirmer notre position : le respect, pas la repentance ». Alors que l’Elysée affirme aujourd’hui vouloir « apaiser les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie », Eric Zemmour, lui, préfère tourner la page, sans excuses ni regrets.