L’ancien président zambien, Rupiah Banda, est décédé vendredi à l’âge de 85 ans. Retour sur le parcours d’un diplomate et politicien hors pair.
« Notre indépendance a été gagnée durement, et le sang des martyrs garantira notre démocratie ». Souvent critiqué pour son manque d’ambition, le quatrième président de Zambie, Rupiah Banda, a pourtant été l’un des fondateurs d’une partie non négligeable de l’Histoire de l’Afrique.
Rupiah Banda est décédé le vendredi 11 mars à l’âge de 85 ans. Le « pharaon zambien » a longtemps vécu dans l’ombre du président fondateur de la Zambie, décédé également en juin dernier, Kenneth Kaunda.
« RB » est mort après une bataille contre le cancer du côlon, dans sa demeure de Lusaka, entouré par sa famille.
Lors de ses trois ans de mandat à la présidence zambienne, le successeur de Levy Mwanawasa a surtout réussi à rétablir la paix avec le Zimbabwe voisin. Mais c’était surtout dans les années 1960 et 1970 qu’il a accompli ses faits d’armes les plus remarquables.
Rupiah Banda, un diplomate de renom
Si Rupiah Banda a été un très discret président zambien — un rôle qu’il occupa par défaut à la suite du décès de Mwanawasa —, il était surtout un diplomate africain de renom. Né au Zimbabwe, et très bien introduit en Angola, Banda était le maillon le plus solide de la lutte contre les guerres entre les pays voisins.
En 1965, son mentor Kenneth Kaunda le nomma ambassadeur de Zambie en Egypte. Il y avait côtoyé le leader socialiste Gamal Abdel Nasser, et fut celui qui rapprocha Abdel Nasser et Kaunda. Le parti présidentiel zambien, le Parti uni de l’indépendance nationale (UNIP), avait même installé un bureau au Caire en 1965, qui deviendra plus tard l’ambassade zambienne en Egypte.
Mais là où Rupiah Banda a brillé, c’est lors des pourparlers entre les belligérants angolais, l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) et le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Les deux mouvements indépendantistes formés à l’étranger avaient obtenu, grâce à Banda, un soutien matériel des anciens pays du bloc de l’Est.
C’est surtout grâce à l’amitié entre Banda et Jonas Savimbi, le leader de l’UNITA, que les deux mouvements rebelles angolais ont su s’accorder le temps de la guerre de décolonisation de l’Angola. Certes, la guerre civile avait éclaté après, mais Banda a su assurer l’entente entre les différents chefs indépendantistes angolais pendant des années.
Tombé en disgrâce de façon inexplicable
Deux ans plus tard, Rupiah Banda a été nommé ambassadeur de Zambie aux Etats-Unis, pendant deux ans, avant de rentrer au pays. Il a ensuite servi pendant des années à la tête de l’instance de développement rural, puis comme président de l’Office national de commercialisation agricole (NAMB).
Vint ensuite son très court mandat au ministère des Affaires étrangères en 1975, où il avait été chargé par Kenneth Kaunda d’obtenir un cessez-le-feu en Angola. En janvier 1975, le MPLA, l’UNITA et le Front national de libération de l’Angola (FNLA) concluent un accord et proclament l’indépendance du pays.
Peu de motifs expliquent la tombée en disgrâce de Rupiah Banda ensuite. Sans doute diplomate le plus brillant de la scène politique zambienne, il a été limogé au sommet de son succès en 1976.
Il débuta ensuite une longue traversée du désert. Il faut rappeler que lors de son absence des pourparlers angolais, la guerre civile a éclaté, et demeure aujourd’hui la plus sanglante de l’Histoire de l’Afrique.
Quoi qu’il en soit, entre 1978 et 2006, Rupiah Banda a disparu de la scène publique, rebondissant entre le Sénat et de petits postes politiques locaux.
Rupiah Banda : une courte présidence, avant la fin
Surprise : en octobre 2006, à la réélection de Levy Mwanawasa à la présidence de Zambie, ce dernier nomma Rupiah Banda comme vice-président. Mwanawasa était pourtant de droite, et on l’accusa alors d’être à la solde des Etats-Unis.
En 2008, Mwanawasa, qui était hospitalisé en Egypte, est transporté à Paris, en France, à la suite de problèmes cardiaques. Il y meurt pendant l’été. Rupiah Banda obtint l’accord de l’armée et du gouvernement pour le processus de transition. La mort de Mwanawasa est annoncée un mois plus tard et Rupiah Banda devient alors le quatrième président du pays.
Entre 2008 et 2011, en tant que président, Banda œuvre pour l’émancipation économique de la Zambie de l’influence chinoise. Fin connaisseur de l’Angola, il cherchait à éviter à son pays le « piège de la dette » chinois. Ce qu’il réussit à accomplir tout en assurant à la Zambie une montée en flèche de son PIB, une réforme agricole exemplaire, une hausse de 30 % de la production industrielle et la baisse de l’inflation de 27 % à 6 %.
Malgré ce très bon bilan économique, Rupiah Banda n’a pas été réélu en 2011, lors de l’élection présidentielle, que Michael Sata remporta. Banda accusa alors son successeur de corruption, et Sata retira l’immunité de Banda en représailles. Malgré une accusation d’abus de pouvoir, Banda n’a jamais été condamné par un tribunal et n’a purgé aucune peine de prison.
A la suite d’un accord politique en 2014, l’Etat zambien a retiré toutes les charges qui pesaient contre Banda, qui prit alors sa retraite politique, avant de s’éteindre ce vendredi.