En Tanzanie, plus de sept mois après leur arrestation pour « complot en vue de commettre des actes de terrorisme », le chef de l’opposition Freeman Mbowe et ses trois présumés complices ont été libérés.
Dans la matinée de ce vendredi, l’ancien député et chef du parti d’opposition tanzanien Chadema, Freeman Mbowe, a été libéré. Un non-lieu pour l’opposant, mais également pour trois autres co-accusés. « La Cour est informée que le ministère public, au nom de la République, ne poursuivra plus Halfan Bwire Hassan, Adam Hassan Kasekwa, Mohammed Abdillahi Ling’wenya et Freeman Aikaeli Mbowe pour des accusations d’actes terroristes », lit-on sur l’acte du parquet.
Freeman Mbowe’s Nolle Prosequi (made under section 91(1) of the Criminal Procedure Act, Cap 20 T.E 2019) pic.twitter.com/BQgYSHI0WR
— Martin Maranja Masese (@IAMartin_) March 4, 2022
Les quatre opposants étaient confrontés à six chefs d’accusation, dont le complot en vue de commettre des actes de terrorisme. Freeman Mbowe, lui, était distinctement accusé de financement d’actes de terrorisme et de sabotage économique.
Arrêté le 20 juillet 2021, le procureur accusait Freeman Mbowe d’avoir comploté pour « faire exploser des stations-service, ainsi que provoquer des émeutes dans des régions sensibles, dans le but de rendre le pays ingouvernable ».
L’arrestation de Freeman Mbowe était intervenue peu de temps après la tenue d’une conférence de presse réclamant une nouvelle Constitution en Tanzanie. Avec ses trois co-accusés, Mbowe avait été arrêté lors d’une réunion secrète dans un hôtel à Mwanza.
Le procès a duré cinq mois. L’avocat du groupe d’opposants, Peter Kibatala, a repoussé l’audience de nombreuses fois, déclarant que Freeman Mbowe, le principal accusé, était malade.
Finalement, alors que l’audience de ce vendredi devait être consacrée aux plaidoiries de la défense, l’abandon des charges par le procureur a créé la surprise. « Nous savourons notre victoire. Mais tout cela nous laisse un goût amer », indique Peter Kibatala.
Un procès houleux
L’arrestation de Freeman Mbowe a altéré l’image de la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan. La presse du monde entier a dénoncé un retour à l’autoritarisme, rappelant les méthodes de son prédécesseur John Magufuli. Lors du procès, des représentants des diplomaties occidentales étaient présents à l’audience. La cheffe d’Etat tanzanienne a, également, reçu la visite des chefs religieux qui l’ont exhortée à mettre fin aux poursuites contre l’opposant.
Néanmoins, et même durant le procès, désormais fini, de Freeman Mbowe, la présidente tanzanienne a continué de décréter les mesures encourageant le multipartisme et la libre expression. Samia Suluhu Hassan a, notamment, levé les interdictions sur les médias de l’opposition. Elle a également, en décembre, gracié des militants de Chadema arrêtés pendant le mandat de son défunt prédécesseur.
Samia Suluhu Hassan et Freeman Mbowe, l’intrigue se corse
Longtemps considérée comme l’alliée de l’ancien président Jakaya Kikwete, même après l’élection de John Magufuli, Samia Suluhu devait montrer, avant tout, qu’elle tenait fermement les rênes du pouvoir en Tanzanie.
La présidente tanzanienne s’était concentrée sur l’unification de son parti, le Chama cha Mapinduzi (CCM). Cela avait commencé par le démantèlement de l’influence d’extrême droite au sein du parti et du gouvernement. La présidente tanzanienne a su s’attirer les faveurs de certains alliés de Magufuli, tout en écartant les autres. Mais le CCM, parti au pouvoir depuis des décennies, est extrêmement dur à gérer. La preuve : plusieurs cadres du parti se sont opposés à l’arrestation de Freeman Mbowe.
Ensuite, Samia Suluhu Hassan devait montrer, sur la scène internationale, qu’elle ne partageait pas le nihilisme de son défunt prédécesseur. En ouvrant son pays à la vaccination contre la Covid-19, puis en rétablissant les relations diplomatiques avec le Kenya, le Rwanda, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Chine, Samia Suluhu avait définitivement rompu avec l’héritage de Magufuli.
Quant à la longue arrestation de Mbowe, donc, il serait invraisemblable que la présidente tanzanienne se soit impliquée dans ce que les militants du CCM considèrent une « erreur stratégique ». Le procureur général n’a pas, non plus, expliqué les raisons l’ayant poussé à abandonner les charges contre Mbowe.
Etait-ce un procès politique ? La présidente a tenu à mettre fin aux spéculations en recevant Mbowe, tout juste libéré.
Free at last, and a handshake later. Freeman Mbowe is hosted at Ikulu by Samia Suluhu Hassan. @RailaOdinga and @StateHouseKenya are leading the way, integration in Africa and the world #RadaNiBaba pic.twitter.com/wWo0FRrnQh
— Basele (@GBasele) March 4, 2022