Dans une interview, le Premier ministre malien Choguel Maïga donne le point de vue de Bamako sur le déroulement de la transition et sur la crise diplomatique avec Paris.
« On a inoculé chez les Africains le virus de la défaite. Le peuple malien veut être libre, et nous allons le libérer ». Hier, le Premier ministre du Mali Choguel Maïga, dans une interview accordée aux médias français, a une nouvelle fois été cash.
Le chef du gouvernement malien a, comme à son habitude, évité la langue de bois, au moment de s’adresser au journaliste camerounais Alain Foka.
Le Mali plus efficace sans les militaires français ?
Choguel Maïga explique pourquoi Assimi Goïta et les autres membres du Conseil national de transition (CNT) ont une façon différente de voir les choses, par rapport aux précédents dirigeants politiques.
« Ces officiers, ils ont passé entre 15 et 18 ans sur le terrain des opérations militaires dans le nord, ils ont été séquestrés par les terroristes pendant des mois, ils ont échappé à des embuscades. Et lui (Assimi Goïta), c’est le commandant des forces spéciales. Donc ces hommes ont vécu dans leur chair, dans leur âme, toutes les trahisons, tous les coups bas », explique Maïga.
« Cela fait déjà deux ans que le Mali est seul » sur le terrain militaire, poursuit le Premier ministre, qui assure qu’après la récente offensive des forces armées maliennes (FAMa), notamment à Niono et à Djenné, plus de 50 000 déplacés ont pu regagner leurs foyers. L’opération, qui selon Choguel Maïga a été préparée en décembre, a coûté la vie à huit soldats maliens. Mais du côté des groupes terroristes affiliés à al-Qaïda et à l’Etat islamique, plus de 80 combattants ont été neutralisés. Une offensive 100 % malienne qui, malgré les pertes, enregistre un bilan supérieur à celui de Barkhane en 2019 par exemple.
Le Premier ministre malien assure d’ailleurs que le retrait français — qu’il qualifie toujours de trahison —, pourrait avoir des effets positifs. Pendant l’opération Serval, rappelle Maïga, « l’armée française, qui n’était pas prévue au sol, déploie 4 000 militaires au sol, qui bloquent l’avancée des FAMa à leur arrivée au Kidal ». Choguel Maïga insiste sur le fait que la réussite de l’offensive antiterroriste en 2013 fut du fait de l’armée malienne et que, contrairement à ce que l’on raconte, la présence militaire française était contreproductive.
« Est-ce que vous savez qu’Assimi Goïta faisait partie des forces qui ont été bloquées à la porte de Kidal ? » dévoile même le chef du gouvernement malien.
Maïga « ne connaît pas de Wagner »
Le Premier ministre malien lève aussi le voile sur la présence russe au Mali. Il affirme que Bamako s’est allié à des « soldats et formateurs russes », mais qu’il « ne connait pas de Wagner ». Maïga assure que l’objectif est de « protéger les Maliens ».
Au sujet de l’embargo de la Cedeao. Maïga rappelle l’illégalité de celles-ci. En effet, selon les statuts de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), « la Banque centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres de l’UEMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne ».
Choguel Maïga estime que cette stratégie des chefs d’Etats ouest-africains vise simplement à provoquer « l’effondrement du Mali en dix jours ». « Maintenant qu’ils (les membres de la Cedeao) ont vu qu’on n’est pas tombés, ils vont venir et on va discuter, promet-il. Entre nous, Africains, on va trouver une solution ».