Un rapport de Human Rights Watch (HRW) affirme que les autorités américaines ont procédé à des dizaines d’expulsions illégales de demandeurs d’asile camerounais. Ces derniers ont été, par la suite, torturés et maltraités à leur retour au Cameroun.
Des dizaines d’expulsions, contraires au principe de non-refoulement, ont visé les demandeurs d’asile camerounais aux Etats-Unis sous l’administration Biden. C’est ce qu’affirme un rapport de Human Rights Watch (HRW) publié jeudi.
Si l’ONG précise que les demandeurs d’asile camerounais étaient systématiquement maltraités et renvoyés durant le mandat de Donald Trump, les choses ont empiré sous son successeur. « Le gouvernement des États-Unis a complètement laissé tomber des Camerounais ayant des demandes d’asile crédibles en les renvoyant dans le pays qu’ils ont fui, ainsi qu’en maltraitant des personnes déjà traumatisées avant et pendant leur expulsion », précise Lauren Seibert, chercheuse sur les droits des réfugiés et des migrants à HRW.
Le rapport de l’ONG décrit, aussi, le traitement atroce que les demandeurs d’asile reçoivent à leur retour à Yaoundé. Détention secrète, torture, viol… les demandeurs d’asile camerounais sont accusés de « détruire l’image du Cameroun » ou encore de « raconter des mensonges sur le gouvernement » par leurs tortionnaires, selon des témoignages.
Le sang des civils
Un rapport accablant, parmi tant d’autres, contre le régime Paul Biya, dont les rapports sont tendus avec les ONG. En effet, Yaoundé a suspendu les activités de dizaines d’organisations, sur fond d’accusations d’exactions, notamment dans la région anglophone au sud où les civils sont les premières victimes des escarmouches avec les rebelles ambazoniens, ou dans le nord déjà meurtri par la menace terroriste.
Des tiraillements entre Yaoundé et les ONG internationales qui, justement, au lieu de mettre fin aux accusations de ces dernières, a incité les ONG à rendre des rapports encore plus critiques. On le remarque avec ce rapport de HRW, soutenu par des documents, des photos, des vidéos… mais dont la dimension politique est à peine voilée.
Pour rappel, au Cameroun, les activités de Médecins sans frontière (MSF), d’Amnesty International et de l’Unicef sont suspendues. Les ONG n’auraient pas rempli les conditions abusives d’« actualisation » de leurs dossiers entre novembre et décembre derniers.
L’année dernière, les rapports accusant les forces de l’ordre, l’armée et les autorités politiques camerounaises d’exactions contre les civils se sont multipliés. Le Cameroun compte aujourd’hui plus de deux millions de déplacés et de réfugiés, dont au moins la moitié vivent au Nigéria, au Gabon, au Tchad ou au Congo. Une minorité plus « aisée » trouve le moyen d’émigrer vers les pays occidentaux, dont une partie procède à des demandes d’asile.
Des crimes d’Etat à peine voilés
Justement, avec l’aggravation, depuis 2016, de la situation dans la région anglophone, où le fameux BIR de l’armée camerounaise et les rebelles d’Ambazonie font fi des droits humains, ainsi que la menace terroriste de Boko Haram dans le nord du pays, les demandes d’asile sont facilement justifiables pour les Camerounais.
La Convention de 1951 sur le statut des réfugiés indique qu’« aucun des Etats signataires n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
Si, aux Etats-Unis, l’administration Trump agissait ouvertement contre le droit international, le président américain Joe Biden avait promis, entre autres, de « restaurer les normes diplomatiques négligées » par son prédécesseur. Il s’agissait, également, de respecter un « traitement équitable vis-à-vis de l’Afrique ».
Mais il n’en est rien. Au final, Biden et Antony Blinken ne sont pas si différents de Trump et de ses nombreux secrétaires d’Etat. Dans le cas des demandeurs d’asile camerounais, si l’on décompte au moins 150 renvoyés au Cameroun par les Etats-Unis durant la dernière année du mandat de Trump ; en octobre 2021, sous Biden, 90 demandeurs d’asile ont été expulsés par Washington.
Les témoignages de ces derniers, et les preuves qu’ils ont présentées sur leur traitement aux Etats-Unis, puis au Cameroun, mettent en lumière un dédain absolu des droits de l’homme, accompagné d’une violence inouïe.