Ce lundi 24 janvier, la directrice de cabinet du président de la Tunisie, Nadia Akacha, a annoncé sa démission sur les réseaux sociaux. Un évènement qui pourrait avoir de lourdes répercussions politiques, Akacha étant jusqu’à hier « la plus proche conseillère » de Kaïs Saïed.
« Je suis confrontée à des divergences d’opinion fondamentales concernant l’intérêt suprême de la Patrie, et je pense qu’il est de mon intérêt de me retirer ». L’annonce de Nadia Akacha, en début de soirée hier, a été aussi surprenante que laconique.
En Tunisie, le président Kaïs Saïed s’était, le 25 juillet dernier, octroyé les pleins pouvoirs, mettant fin au régime semi-présidentiel du pays. Il bénéficiait alors d’un soutient populaire conséquent, mais semblait agir avec un cercle de conseillers très restreint.
Parmi ces conseilleurs, Nadia Akacha était aux côtés du président de la Tunisie depuis son élection en 2019, voire bien avant. Elle avait alors un rôle beaucoup plus diplomatique que politique. Si Akacha était considérée comme la conseillère la plus proche du président, elle représentait une ligne pro-Arabie saoudite, pro-Emirats, et pro-américaine au sein du palais.
Selon nos informations, les « divergences d’opinion fondamentales » évoquées par l’ex-conseillère n’auront pas concerné les positions diplomatiques de Nadia Akacha. La rupture avec Kaïs Saïed serait en effet due à la perte de soutiens de la part du gouvernement et de l’administration tunisiens envers l’ancienne directrice de cabinet de la présidence. Une source interne confirme au Journal de l’Afrique que, parmi les divergences d’opinion, la mainmise du ministre de l’Intérieur Ridha Charfeddine sur l’appareil sécuritaire tunisien posait des soucis à Nadia Akacha.
Une victoire pour Charfeddine ?
Un ex-ministre qui entretient de bonnes relations avec les représentants actuels de l’Etat tunisien évoque « une rivalité entre Akacha et Charfeddine, qui a débuté dès la reconduite du ministre le 9 octobre dernier ».
« Ridha Charfeddine a tenté de mettre fin à l’establishment du ministère de l’Intérieur, composé d’un triumvirat avec, à sa tête, l’ancien directeur de Sûreté nationale, puis ambassadeur de la Tunisie au Bahreïn, Kamel Guizani », poursuit cette même source.
Kamel Guizani avait, en effet, avant la chute du gouvernement de Youssef Chahed, été un point de désaccord entre ce dernier et Nadia Akacha. Mais si la meilleure conseillère de Kaïs Saïed avait, auparavant, le soutien du président, elle l’a perdu après le 25 septembre.
La preuve : si Kaïs Saïed était enclin, en mars dernier, à muter l’ancien ambassadeur du Bahreïn aux Pays-Bas — cette dernière avait refusé d’accepter Guizani comme nouvel ambassadeur —, uniquement pour faire de la place à Guizani, cette position privilégiée a bien changé depuis.
Ainsi donc, le 14 janvier, Kamel Guizani a été limogé également de son poste d’ambassadeur à Manama. Six autres hauts responsables de la sécurité ont été « poussés à prendre leur retraite ». Un nettoyage en bonne et due forme de Charfeddine et Saïed, qui a fait beaucoup de mécontents dans le camp d’Akacha.
Lobbying aux Emirats, en France et en Arabie saoudite
Un ex-responsable de l’Ancien régime de Ben Ali, exilé à Paris, nous confirme également que des changements au sein du gouvernement sont attendus dans les prochaines semaines.
Mais avec la sortie de Nadia Akacha du cercle du pouvoir, il y aurait également des tensions entre Tunis, d’un côté, et Abou Dabi et Riyad, de l’autre. « C’est la raison pour laquelle les bailleurs arabes de Kaïs Saïed retiennent les aides financières promises l’été dernier », assure l’ancien haut responsable.
Selon Africa intelligence, en revanche, Kaïs Saïed aurait envoyé l’ancien chef du gouvernement déchu Youssef Chahed à Washington, afin de convaincre les Américains de sauver l’économie tunisienne. Chahed y aurait notamment rencontré le puissant « whip » — comprendre fouet — du parti Républicain des Etats Unis, au Congrès, Michael McCaul. Ce qui, après vérifications, s’est avéré totalement faux.