Bien qu’il demande une enquête française après les heurts survenus lors d’un passage de Barkhane fin novembre, Mohamed Bazoum semble être devenu le messager d’Emmanuel Macron.
Mohamed Bazoum est décidément le meilleur avocat de la France. Le président du Niger a, certes, « exigé des autorités françaises » une enquête, à propos des incidents qui se sont déroulés à la fin du mois de novembre, alors qu’un convoi militaire de la force Barkhane se déplaçait dans l’ouest du Niger. Trois personnes avaient alors été tuées. Mais le président nigérien semble être malgré tout devenu un porte-parole de la France.
C’est le jour de l’anniversaire de la proclamation de la République du Niger que le président Bazoum a demandé à Paris d’ouvrir « une enquête en vue de sanctionner ceux qui ont été coupables d’actes répréhensibles ». A première vue, la déclaration du chef de l’Etat semble souveraine. Mais il s’agit surtout, pour Mohamed Bazoum, d’un rétropédalage. Car, concernant le passage du convoi militaire français, Bazoum avait à l’époque parlé de simples « dysfonctionnements fâcheux » du « dispositif du maintien de l’ordre ».
Si les tirs, qui avaient provoqué trois décès, avaient été imputés aux forces de l’ordre nigériennes, d’autres sources assuraient pourtant que ce sont les soldats de Barkhane qui avaient tiré. Sauf que Mohamed Bazoum a préféré limoger son ministre de l’Intérieur, Alkache Alhada, et son Haut commandant de la Gendarmerie nationale, le général Salifou Wakasso. Bazoum n’avait, alors, fourni aucune explication.
Il lui aura fallu quelques jours, et surtout une pression au niveau national, pour que le président du Niger ordonne une enquête française. Il avait auparavant demandé à ses propres « services compétents » une enquête pour « identifier ces dysfonctionnements et situer les différentes responsabilités ».
Bazoum défend les décisions françaises au Sahel
Alors que le convoi militaire français était bloqué depuis plus d’une semaine au Burkina Faso, fin novembre, le président Mohamed Bazoum avait décidé de dénoncer les campagnes de lynchage contre la France et son armée. « Je suis totalement désolé de la campagne qui est menée contre eux. Je veux que les Français soient forts, parce qu’ils ont, avec cet espace du Sahel, une histoire singulière », affirmait Bazoum lors d’une conférence de presse, avant d’assurer être « sûr que le jour où les Français plieront bagage à Gao, ce sera le chaos ! »
Le 6 décembre dernier, lors du IVe Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique, à Dakar, le président nigérien a prononcé un discours pour indiquer « comment nous éradiquerons le terrorisme ». Il avait alors réussi à soigneusement éviter de mentionner la France.
Pourtant, depuis cet été, Mohamed Bazoum fait office de VRP pour Paris. Lorsque Macron a un message à faire passer en Afrique, il n’hésite pas à faire appel au président du Niger. Lorsqu’il s’agissait d’argumenter à propos du retrait de Barkhane, c’est également Bazoum qui était arrivé en renfort. En juillet dernier, le chef d’État nigérien s’était en effet dit « d’accord » avec la fin de l’opération Barkhane au Sahel et affirmait que la France « n’a pas à faire la guerre à la place des Sahéliens ».
Autant dire que l’enquête demandée par Mohamed Bazoum n’est qu’un effet d’annonce, qui lui permettra de sauver la face après avoir accusé ses propres ministres et généraux d’avoir été à l’origine des heurts entre civils et militaires fin novembre.