Alors que se termine le mois de novembre, la production de dattes en Tunisie plafonne à 60 000 tonnes. On est bien loin des prévisions estimées à 370 000 tonnes cette saison. Les agriculteurs tunisiens sont confrontés à de nombreux soucis.
La fin de la saison de récolte des dattes en Tunisie approche à grands pas. Et c’est d’ores et déjà la déception. Si le pays nord-africain est le dixième producteur de dattes dans le monde et le quatrième d’Afrique, cette année pourrait bien être l’une des pires en termes de recettes. La Tunisie compte beaucoup sur les exportations de dattes : elle envoie en effet chaque année plus de 40 000 tonnes chez ses acheteurs. Et alors que la Deglet Nour, produite dans les oasis du sud tunisien, est réputée pour sa résistance et sa saveur, le marché européen risque bien de voir peu de ces fruits sur ses étals.
Les espoirs des agriculteurs tunisiens de faire une bonne fin de saison s’amenuisent jour après jour. Car cette année, les 5,5 millions de dattiers du pays n’ont produit que 60 000 tonnes de fruits, dont 45 000 de la variété Deglet Nour. On est loin des prévisions : les autorités agricoles du pays avaient en effet prévu 370 000 tonnes de fruits récoltés, ce qui aurait fait grimper la Tunisie au septième rang mondial des producteurs de dattes. Comment le ministère de l’Agriculture a-t-il pu, à ce point, se tromper, alors que la Tunisie n’a même pas encore atteint le seuil de récolte de la saison dernière ?
Toutes les conditions réunies pour un échec
La baisse de la production de dattes doit beaucoup aux conditions climatiques. « Nous vivons une mauvaise saison à cause de la sécheresse et du changement climatique, affirme un producteur. Les dattes n’ont pas pu se développer pleinement et la qualité du produit s’est dégradée ». Autre explication : la présence d’un parasite qui affecte les palmiers dattiers et endommage les plantations, baptisé « l’araignée des poussières ».
Conséquence : les producteurs sont au bord de la banqueroute. Arif en-Naci, président de l’Union des agriculteurs locaux de Tozeur, déplore la baisse du prix des dattes. « La crise dans la production et la vente de dattes s’est aggravée depuis 2016, puis davantage au cours des deux dernières années avec la pandémie », affirme-t-il.
La région tunisienne de Tozeur, qui abrite la moitié des dattiers du pays, subit de plein fouet, depuis des années, un nouveau phénomène : l’abandon des récoltes. Les prix d’achat par les grossistes habituels, qu’ils soient locaux ou étrangers, ne cessent de s’effondrer. Face à un marché moins rentable, les agriculteurs ne peuvent plus investir dans la main-d’œuvre saisonnière.
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Une crise politique qui bouscule le secteur
Les agriculteurs tunisiens se plaignent de l’inaction des pouvoirs publics depuis le début de l’été dernier. « Nous avons reçu la promesse de certains projets visant à faciliter la vente des dattes par les agriculteurs de la région, mais l’instabilité politique nous a également affectés. Malheureusement, le projet qui permettra la vente des dattes produites ici n’a pu être mené à terme », indique le militant Salim Matouk, qui déplore le fait que « la vente des dattes produites à Tozeur est toujours contrôlée depuis Tunis ».
Une manque de volonté politique, donc, mais également une loi du marché de plus en plus désavantageuse pour les producteurs, qui se disent victimes des « margoulins des dattes ». Ces derniers, ce sont les entreprises qui monopolisent l’achat et la revente des dattes, dont la plupart sont étrangères, et cherchent à minimiser leurs dépenses. Et bien que plusieurs acteurs locaux aient récemment cherché à moderniser le secteur de transformation des dattes, leurs efforts semblent insuffisants pour couvrir toute la production.
La Tunisie, qui exporte plus de 50 % de ses dattes dans 85 pays dans le monde, voit ce secteur menacé. Résignés, les agriculteurs tunisiens abandonnent peu à peu leur profession, à cause de revenus de plus en plus bas. Et la crise sociale dans les régions du sud tunisien, qui dépendent majoritairement de cette culture, ne fait que se durcir. Du côté de l’Etat, c’est le silence absolu.