Près de quatre femmes marocaines sur dix sont victimes de violences physiques, et plus de la moitié des ces dernières subissent des violences sexuelles. La défense des droits des femmes doit beaucoup à l’inaction des autorités.
Cela fait maintenant plus d’une décennie que les activistes marocains tentent de pousser les autorités de leur pays à engager une réforme des lois protégeant l’intégrité physique des femmes. Mais alors que la nouvelle loi, promulguée en 2018, n’est toujours pas appliquée dans l’espace public, la violence contre les femmes et le harcèlement sexuel continuent d’augmenter, alors que les autorités restent étrangement silencieuses sur ce sujet.
Le Maroc est actuellement le dixième pays d’Afrique enregistrant le plus de cas de harcèlement sexuel et de violences physiques contre les femmes. Mais en opposant ces chiffres à ceux de la situation socio-économique, l’indicateur de développement humain et le taux de scolarisation, la violence contre les femmes demeure un paradoxe au pays de Mohammed VI.
En septembre dernier, une vidéo mettant en scène une multitude d’actes de harcèlement de rue, filmée à Tanger, a été largement partagée sur les réseaux sociaux et a outré les internautes. « Peu importe ce que vous portez ou avec qui vous êtes, en tant que femme vivant au Maroc, vous quittez votre maison avec l’anticipation et l’attente d’être harcelée dans la rue », dénonçaient sur les réseaux sociaux plusieurs associations féministes.
Quelques jours plus tard, la justice marocaine condamnait à vingt ans de prison les onze auteurs de la séquestration et du viol d’une certaine Khadija. « Le juge en a fait un exemple », avait déclaré le procureur chargé de l’affaire. Toutefois, au niveau institutionnel, les autorités n’avancent plus dans la répression de la violence contre les femmes. La contestation, elle, a bien ralenti.
Une loi contre la violence sexuelle qui n’a rien changé
En effet, la dernière manifestation contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes au Maroc date de 2015. Il s’agissait, alors, d’accélérer la mise en place de la nouvelle législation pour la protection des femmes contre les violences et le harcèlement sexuel.
Le projet de loi avait, en effet, pris sept ans avant de voir le jour. Entre temps, il a été modifié et altéré, voire vidé de son sens. Depuis que la loi du 14 février 2018, contre le harcèlement dans l’espace public, a finalement été promulguée, peu d’accusés ont été condamnés à la prison, malgré une législation allant dans ce sens, la justice marocaine s’appuyant encore sur les anciens textes du code pénal. Mais, plus globalement, le problème s’est posé quant à la volonté des forces de l’ordre d’agir contre ce fléau.
Avec le nombre de cas de violences contre les femmes et de harcèlement sexuel augmentant d’année en année, plusieurs ONG accusent les autorités de laxisme, mais préfèrent se taire. D’autant que le royaume a une image de destination propice au tourisme sexuel. Un cliché dont les effets s’étendent dans le milieu professionnel, jusqu’à devenir un « acquis culturel » auquel la nouvelle génération cherche à tout prix à mettre fin. Une mission difficile, alors que le Maroc subit peu de pressions de la part de la communauté internationale, comparativement aux autres pays maghrébins et africains.
Du harcèlement de rue au cyberharcèlement
La militante féministe marocaine, Saloua Karkri Belkeziz, estime que, « malgré l’existence d’une législation qui punit de tels actes, elle n’est pas assez sévère, d’où l’importance de l’indignation des médias sociaux, qui, nous l’espérons, fera la lumière sur ce phénomène ». Le média Morrocco world news avance d’ailleurs qu’en réalité, près de deux femmes sur trois sont victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics. Le problème est qu’en plus de l’inefficacité de la loi, les mesures prévues dans la réforme de 2018 sont conditionnées au dépôt d’une plainte. Et il est souvent difficile pour les victimes qui ont peu confiance dans les autorités de poursuivre les agresseurs.
L’application insuffisante des mesures de prévention des agressions sexuelles a d’ailleurs continué d’alimenter l’indignation des militantes des droits des femmes. Beaucoup se demandent si les autorités prennent au sérieux le sort des femmes marocaines.
Sur la toile, le souci est encore plus flagrant, car en plus des femmes, ce sont aussi les mineures qui subissent le cyberharcèlement au Maroc. Le 4 novembre, date de la journée internationale de lutte contre le harcèlement et la violence en milieu scolaire, le Centre marocain de recherches polytechniques et d’innovation (CMRPI) a lancé une campagne sur le sujet. Le président de l’instance, Youssef Bentaleb, explique que le but est de « réunir les parties prenantes qui travaillent sur la protection en ligne d’une manière générale au Maroc, pour discuter et travailler ensemble avec les acteurs et institutions concernés sur la question des cyberviolences et en particulier du cyber harcèlement ». Un objectif peu ambitieux, pour un problème urgent.