Le président béninois Patrice Talon et son prédécesseur Thomas Boni Yayi se sont rencontrés. Un rendez-vous symbolique qui n’a donné lieu à aucune avancée.
La rencontre était attendue, elle aura finalement eu lieu grâce aux fils respectifs du président béninois en exercice et de son prédécesseur à la tête de l’Etat. Fâchés, Patrice Talon et Thomas Boni Yayi avaient beaucoup de choses à se dire. Leur rencontre aura finalement duré une heure. Si l’on retiendra évidemment l’image de leur accolade, il ne devrait en réalité pas sortir grand-chose de cette entrevue. Nul doute qu’il a longuement été question de la libération de Joël Aïvo, mais surtout de Reckya Madougou, qui devait être la candidate du parti de Boni Yayi lors de la dernière élection présidentielle. Or, dans les médias, les lieutenants de Patrice Talon ont, à la suite de cette rencontre, opposé leur veto à une grâce présidentielle en faveur de la Béninoise.
Thomas Boni Yayi de retour dans le jeu politique ?
Malgré le blocage du dossier Reckya Madougou, Patrice Talon et Thomas Boni Yayi sortent-ils grandis de cette rencontre ? Voilà plusieurs années que les deux hommes, autrefois réconciliés grâce à une initiative de… Reckya Madougou, sont en désaccord. Reste que pour l’ancien président béninois, l’entrevue est à double tranchant : ne pas avoir réussi à obtenir un accord de principe sur la libération de la numéro 2 des Démocrates fait figure d’échec retentissant. Il s’agit également, pour les observateurs, d’une capitulation de la part de Thomas Boni Yayi : comment l’ancien chef de l’Etat a-t-il pu accepter de s’entretenir avec son successeur alors même que ce dernier a effectué un tour de vis sécuritaire extrêmement dangereux pour une opposition dont Boni Yayi est censé être le chef de file ?
En acceptant de poser avec Patrice Talon, Thomas Boni Yayi a offert au président béninois une jolie campagne de promotion et de réhabilitation. Talon apparaît désormais comme un président ouvert au dialogue, alors même qu’il s’est débarrassé de ses opposants les plus dangereux. Quant aux libérations de Joël Aïvo et Reckya Madougou, il suffit pour le parti au pouvoir de jouer la carte de l’indépendance de la justice pour éviter d’avoir à s’engager. Du côté de Thomas Boni Yayi, l’enjeu serait-il plus personnel ? Interrogé par Jeune Afrique, le député Abdoulaye Gounou, chef du groupe parlementaire Bloc républicain, estime que l’ex-président a « tenté de se remettre au centre du jeu ». Après avoir envoyé Reckya Madougou au casse-pipe, Thomas Boni Yayi pourrait ainsi relancer sa carrière politique et, pourquoi pas, envisager une candidature lors de la prochaine présidentielle.
Le début d’un long processus
Car de cette entrevue, il ressort certes une tentative de réconciliation politique, alors que la crise est latente au Bénin. Mais l’opposition béninoise étant adepte du boycott des scrutins, il est évident que le retour de Thomas Boni Yayi sur le devant de la scène pourrait permettre de redistribuer les cartes lors des prochaines élections et de donner à Talon une image de démocrate. Reste que le parti au pouvoir a d’ores et déjà balayé les demandes de libération de « prisonniers politiques ». Outre Madougou, les deux hommes ont évoqué les cas de Nicéphore Soglo, de Sébastien Ajavon, de Valentin Djenontin ou encore de Komi Koutché. Mais Talon aurait rétorqué qu’il ne pouvait pas intervenir pour faire annuler les condamnations des uns et des autres.
Quelle sera désormais la suite, après cette rencontre symbolique ? D’aucuns y voient une impasse, dont le Bénin ne pourra tirer profit. Pour d’autres élus proches du parti au pouvoir, l’idée d’un dialogue national serait dans les tuyaux du palais présidentiel. Mais pas sûr que les cadres du Bloc républicain soient prêts à laisser les Démocrates et les autres opposants s’ingérer dans les discussions sur les textes de loi. Pour le moment, le statu quoi reste de mise : avant que les dossiers évoqués par les deux hommes se concrétisent, il faudra qu’ils se rencontrent à nouveau. Or, on l’a vu en Côte d’Ivoire, avec Gbagbo et Bédié qui ont fini par s’entretenir avec Ouattara, il est parfois difficile de poursuivre le dialogue quand les premiers échanges n’ont donné lieu à aucune promesse. Et à Cotonou, Talon semble être intransigeant vis-à-vis de ses opposants, et ce n’est pas Boni Yayi qui le fera changer d’avis.