Les pays africains paieraient plus chers leurs vaccins que les pays européens, alors que les populations africaines peinent à se faire vacciner. Pendant ce temps, l’Europe ne reconnaît pas les vaccins russe et chinois.
Jusqu’à 70 dollars la dose. Les laboratoires pharmaceutiques vendant les vaccins anti-Covid ont-ils une politique tarifaire plus élevée en Afrique qu’en Europe ? C’est en tout cas le constat de plusieurs médias. Entre les Etats et les laboratoires, des accords confidentiels ont été négociés, les prix ne sont donc pas publiquement connus. Mais on sait que plusieurs pays, comme le Kenya ou l’Afrique du Sud, ont payé beaucoup plus cher que des Etats occidentaux. L’Afrique du Sud, selon les données recueillies, aurait par exemple payé ses 1,5 million de vaccins AstraZeneca environ 2,5 fois plus cher que les pays européens. Le ministère sud-africain de la santé affirme en effet que c’est « le prix de 5,25 dollars » qui lui a été communiqué par le groupe pharmaceutique suédo-britannique.
Une politique tarifaire qui étonne : alors que l’Europe a déjà vacciné la moitié de sa population, l’Afrique, elle, reste bloquée à moins de 2 % de taux de vaccination. Certes, le dispositif Covax, initié notamment par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), devait permettre des campagnes de vaccination à des prix abordables. Et alors que 520 millions de doses devaient être livrées avant la fin de l’année 2021, le dispositif a montré ses limites, et à peine 15 % de l’objectif a été rempli.
L’Afrique obligée de se tourner vers Pékin et Moscou
« Les laboratoires sont plus préoccupés par leurs carnets de commandes et leurs bénéfices que par la solidarité mondiale », résume de façon anonyme un médecin. Et même la Chine, qui comptait sur une diplomatie vaccinale centrée sur l’Afrique, a dérogé à ses principes. Pékin avait promis d’envoyer 25 % des ses doses sur le continent. La Chine s’est finalement limitée à 4 %. Et pour se procurer le vaccin Sinopharm, les pays africains ont dû mettre la main à la poche, parfois de façon excessives : pour le Sénégal, qui désirait 200 000 doses du vaccin chinois, le prix unitaire a été de 20 dollars.
Qu’en est-il des prix européens ? Le vaccin Pfizer coûtait, avant l’augmentation annoncée hier, une quinzaine d’euros aux pays européens, tandis que le Moderna s’élevait à une vingtaine d’euros. Résultat : plusieurs pays ont arrêté de négocier avec les laboratoires pharmaceutiques, mécontents des politiques tarifaires pratiquées. Sauf que l’initiative Covax ne suffira pas à englober une vaccination totale des populations du continent.
D’autant que la politique tarifaire des laboratoires Pfizer, Moderna, Johnson & Johnson ou AstraZeneca tranche avec la question du pass sanitaire européen : les vaccins chinois et russe ne sont, pour l’instant, pas pris en compte par les autorités européennes. Le pass sanitaire, entré en vigueur le 1er juillet, semble injuste pour les Africains : outre le fait qu’il exclue la quasi totalité des vaccins disponibles en Afrique — Sinopharm, Spoutnik V et même le Covishield —, le fameux pass n’autorise que des vaccins qui, achetés par les pays africains, coûtent plus chers qu’en Europe.