Le vice-président du Kenya, William Ruto, a été interdit par son président de se rendre, lundi, en Ouganda. A un an de la présidentielle, Uhuru Kenyatta et son ex-allié semblent irréconciliables.
Depuis 2018, les partisans du président du Kenya, Uhuru Kenyatta, et de son vice-président, William Ruto, se livrent une bataille sans merci. Et parfois tragique. En novembre 2020, des affrontements entre les militants du United Republican Party (URP) et de The National Alliance (TNA), les formations respectives de Ruto et de Kenyatta, avaient fait deux morts. Lundi, William Ruto s’est vu refuser un déplacement en Ouganda, les autorités ayant exigé une autorisation du président, que ce dernier n’a pas voulu délivrer.
Ruto et Kenyatta s’étaient pourtant alliés en 2013, afin de former la coalition Jubilee qui leur permettait de s’assurer une majorité parlementaire écrasante. S’il n’ont jamais été réellement amis, les deux hommes savaient que, seuls, ils auraient été politiquement minoritaires. Quatre ans plus tard, l’alliance s’est conclue par une liste commune entre Ruto et Kenyatta lors de l’élection présidentielle. Les deux hommes ont, grâce à cette liste commune, pu conserver le pouvoir, malgré la percée de l’ancien Premier ministre Raila Odinga.
Mais depuis 2018, l’alliance a volé en éclats. La faute à une campagne anti-corruption menée par le gouvernement kenyan, qui a visé la quasi-totalité des leaders de l’URP, le parti du vice-président. Depuis le mois de novembre 2020, Kenyatta tente en vain d’imposer un amendement constitutionnel, connu sous le nom de projet Building Bridges Initiative (BBI). Alors qu’il comptait mettre en place un référendum, le président de la République s’est vu refuser l’organisation du scrutin par la Haute-Cour de justice. Une décision que les militants de Kenyatta imputent à l’URP.
La réforme constitutionnelle bloquée, William Ruto en profite pour faire une pré-campagne électorale et pour s’adjuger des soutiens étrangers. En juillet dernier, il s’est notamment rendu en Ouganda, où il a été reçu par le président Yoweri Museveni. Alors qu’il désirait à nouveau voyager dans le pays voisin, ce lundi 2 août, les autorités l’en ont empêché.
DP Ruto travel denied:
DP William Ruto blocked at JKIA from traveling to Uganda
Immigration officials blocked Ruto from making a private visit to Uganda
Ruto required to get clearance from the Head of Public serviceRuto: “Isorait…. we leave it to God”#MondayReport pic.twitter.com/abOYTnjF9Z
— Citizen TV Kenya (@citizentvkenya) August 2, 2021
Uhuru Kenyatta, maître du jeu ?
Bloqué à l’aéroport de Nairobi, William Ruto s’est montré passablement énervé par la situation. « On m’a empêché de prendre l’avion pour l’Ouganda, parce que le système pense que seuls les enfants de riches et des célébrités peuvent se rendre à l’étranger et dîner avec les présidents », a déclaré le vice-président qui a poursuivi en prévenant « les tribalistes et les dynasties que notre patience est à bout et que nous ne nous laisserons plus humilier. Qu’ils m’affrontent ouvertement au lieu de se cacher derrière leurs petits serfs de la fonction publique ».
Des déclarations incendiaires, donc, de la part du vice-président, qui accuse sans le citer, mais plutôt ouvertement, Uhuru Kenyatta de lui mettre des bâtons dans les roues. En 2018 déjà, alors que les partisans de Ruto se faisaient interpeller les uns après les autres pour des actes supposés de corruption, Ruto avait annoncé la fin de l’alliance avec Kenyatta. « Je ne l’ai pas soutenu pour qu’il me rende la pareille. Et nous n’avons pas besoin du soutien du président sortant pour avoir le soutien du peuple », avait-il alors affirmé, laissant entendre qu’il se présenterait en 2022 contre le candidat du pouvoir en place.
Plus tôt en 2018, Uhuru Kenyatta avait d’ailleurs revu ses alliances. Il avait annoncé une réconciliation avec son premier opposant, Raila Odinga. Depuis, William Ruto est isolé sur la scène politique. Les autres partis du Jubilee semblent d’ailleurs pencher du côté de Kenyatta.Aucune explication officielle concernant le refus du déplacement de Ruto en Ouganda n’a été donnée par le gouvernement. Toutefois, à un an de l’élection présidentielle, Kenyatta semble vouloir mettre fin aux ambitions personnelles de son ancien allié, devenu son nouveau meilleur ennemi.
BBC News – Kenyatta, Ruto and Odinga: The true cost of Kenya's political love trianglehttps://t.co/OVyLN3Rw6q
— Oliver Mathenge (@OliverMathenge) July 13, 2021