Un hélicoptère militaire français et son équipage ont été retenus par la Guinée équatoriale. Une réponse de Malabo à Paris dans l’affaire des « biens mal acquis » ?
Voilà un timing qui pose évidemment question. Alors que le fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Teodoro Obiang Mangue, a été définitivement condamné ce mercredi par la justice française dans l’affaire des « biens mal acquis », les autorités de Guinée équatoriale ont bloqué au sol un hélicoptère militaire français. « Un hélicoptère de reconnaissance », selon la Guinée équatoriale, qui estime que la présence de l’appareil « démontre une fois de plus la volonté de la France de déstabiliser la République de Guinée équatoriale ».
Entre Malabo et Paris, la tension est montée d’un cran. L’engin, qui traversait la Guinée équatoriale, s’était posé sur la piste de l’héliport de l’aéroport de Bata pour ravitaillement. Les autorités ont décidé de maintenir au sol l’hélicoptère, le dernier de quatre appareils qui voyageaient de Douala au Cameroun vers une base française à Libreville, au Gabon. A bord se trouvaient six soldats. La décision des autorités équato-guinéennes intervient quelques heures à peine après la condamnation définitive du fils du président. « Teodorino » a écopé d’une amende de 30 millions d’euros et de trois ans de prison avec sursis, pour détournement de fonds de l’Etat à l’étranger.
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Le porte-parole de l’état-major français, Pascal Lanni, a simplement déclaré, jeudi, que l’hélicoptère militaire et les soldats étaient confrontés à « une séquence de tracasseries administratives ». Il a assuré que « le problème est en train d’être résolu diplomatiquement ». Or, plutôt que d’aller dans le sens de l’officiel français, les autorités de la Guinée équatoriale ont décidé de surenchérir. Le chef d’état-major de l’armée de l’air, le ministère de l’Aviation civile et le fils Obiang ont tour à tour déclaré que l’hélicoptère n’avait pas les autorisations nécessaires. La radio d’Etat TVGE annonce, de son côté, un « incident militaire » sur fond d’« opération d’espionnage et de provocation ». Or, la radio d’Etat est le porte-voix des autorités locales.
Il semble plus qu’évident que les autorités ont agi sous l’influence du fils héritier du président. Teodoro Obiang Mangue était dans le collimateur de la justice française depuis longtemps. Sa condamnation mercredi a continué d’envenimer un peu plus une situation diplomatique critique. En Guinée, les ambassades européennes ferment les unes après les autres et les tensions avec l’Europe sont de moins en moins cordiales.
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Mangue, dont le père dirige la Guinée équatoriale depuis 42 ans, a été reconnu coupable en France en 2017 de blanchiment d’argent et de détournement de fonds. Outre sa récente condamnation, un certain nombre de propriétés ont été confisquées en France, dont un hôtel particulier parisien et des voitures de luxe. Le gouvernement équato-guinéen et le fils du président n’ont pas commenté la décision du tribunal français de confirmer la condamnation. Ils ont fait valoir que l’affaire violait son droit à l’immunité diplomatique.
Espionnage ou vendetta ?
Quant à l’affaire de l’hélicoptère français, qui avait démarré mercredi soir, elle semble s’aggraver à mesure que les autorités font preuve de zèle. Et il semble que, effectivement, les militaires français n’avaient pas d’autorisation préalable, ni celle de la tour de contrôle, pour atterrir à l’aéroport de Bata.
« Il n’y a pas d’affaire d’espionnage », assure le colonel français Pascal Lanni. Un responsable militaire français, sous couvert d’anonymat, assure : « On s’arrête régulièrement à Bata, mais on a des problèmes de coordination avec l’héliport. La tour de contrôle ne donne pas l’autorisation d’atterrir par excès de zèle ». Selon France 24, les militaires à bord ont été interrogés par la police équato-guinéenne. Les autorités françaises répètent que l’incident sera résolu diplomatiquement. Cependant, les responsables équato-guinéens montent au créneau les uns après les autres.
« Nous pouvons dire que c’est une atteinte à la sécurité de l’Etat, car c’est un appareil militaire », affirme le chef de l’armée de l’air. Il s’agit effectivement d’un Fennec de l’armée, un hélicoptère d’attaque, bien que le vol était une simple liaison logistique.
Pourtant, Teodoro Obiang Mangue ne s’en cache pas : le blocage au sol de l’appareil français est une réplique à ce qu’il qualifie de « farce judiciaire » — sa condamnation en France. Le fils du président Obiang a été le premier à commenter l’incident. Avec une dizaine de hauts responsables de l’Etat équato-guinéen qui se sont prononcés sur l’affaire, une question se pose : qui gouverne la Guinée équatoriale aujourd’hui ?