Bien qu’attendue, la réconciliation entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara tarde. Plusieurs éléments expliquent pourquoi les deux hommes ne se sont toujours pas parlé.
Le président ivoirien scrute-t-il les faits et gestes de son ancien rival, revenu au pays comme un véritable héros ? Le 17 juin dernier, Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire. Au nez et à la barbe de la présidence ivoirienne, puisque c’est le Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo qui a décidé de la date de retour de l’ancien président sur son sol, lui qui a passé une dizaine d’années en Europe et longtemps attendu l’acquittement définitif de la Cour pénale internationale (CPI), puis l’obtention de son passeport ivoirien.
Lorsqu’Assoa Adou a annoncé la date du 17 juin, il a surpris le pouvoir en place. Des discussions entre le clan Ouattara et Laurent Gbagbo étaient en cours. Mais, selon le FPI, celles-ci trainaient. Le parti de Gbagbo a donc tenté un coup de Trafalgar en imposant son propre calendrier. De quoi effrayer le gouvernement… Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, assurait à l’époque à Jeune Afrique, qu’il était « d’accord sur le fait que la date devait être discutée ». Mais il déplorait n’avoir « pas été informé de celle-ci précisément ».
Le calendrier du FPI a pris de court la présidence ivoirienne
La décision unilatérale du FPI a donc froissé au plus haut niveau de l’Etat. Officiellement, le gouvernement reproche au parti de Laurent Gbagbo de ne pas l’avoir laissé « mettre en œuvre les conditions du retour de Laurent Gbagbo et de mettre à disposition tout ce à quoi il a droit ». En réalité, Alassane Ouattara a été pris de court et aurait préféré, pour redorer son blason, annoncer lui-même une date de retour de son prédécesseur.
Depuis que Laurent Gbagbo a foulé le sol ivoirien, les rumeurs vont bon train quant à une rencontre tripartite, entre l’ex-pensionnaire de la CPI, Alassane Ouattara et son rival de la présidentielle Henri Konan-Bédié. Mais ce rêve, caressé par des « amis en commun » des trois hommes, pourrait bien ne jamais se réaliser. Car en coulisse, la rivalité Ouattara-Gbagbo est toujours vive.
Une arrestation qui déplaît au FPI
Africa Intelligence, dans son édition du 9 juillet dernier, revient d’ailleurs sur un épisode passé inaperçu. Le 17 juin, alors qu’il effectuait son retour triomphal, Laurent Gbagbo a été étonné que l’on arrête le jeune militant du FPI qui était chargé de porter ses bagages. L’homme a été déféré devant un juge le 23 juin, et le clan Gbagbo ne comprend toujours pas comment les forces de l’ordre ont pu s’abaisser à un tel acte. Le FPI considère cela comme une tentative d’intimidation, voire une déclaration de guerre, de la part du régime en place.
La réconciliation Ouattara-Gbagbo est-elle, à cause de cet épisode, mise à mal ? L’arrestation du militant du FPI n’est en réalité qu’une pierre de plus ajoutée au mur de griefs contre Alassane Ouattara. Car en plus de cet acte, le clan de l’ex-président reproche plusieurs choses à Ouattara : d’abord la lenteur des discussions pour organiser le retour de Gbagbo ; ensuite, le temps pris par les autorités pour délivrer un passeport à l’ancien chef de l’Etat. Enfin, avant d’envisager de revoir son rival de toujours, Laurent Gbagbo aimerait que soient réglés les cas des anciens cadres exilés du FPI. Parmi eux, certains, comme Ahoua Don Mello, actuellement en Guinée, veulent revenir en Côte d’Ivoire. Ils sont en attente d’un passeport. Et du côté de Gbagbo, on sait que les dossiers administratifs concernant les demandes de passeport prennent parfois plus de temps qu’il n’en faut.