Ce 9 juillet, la plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud, fête son indépendance. La situation sociale dans le pays est toujours tendue. Quel est le rapport avec les conflits autour du pétrole ? Quid des divisions au sein de la classe politique ?
Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud a fait sécession du Soudan. L’Etat sud-soudanais a été alors immédiatement reconnu par les Nations unies. En raison de l’existence du Sud soudanais hors de la sphère d’influence internationale, plusieurs puissances mondiales ont vu une opportunité. Les sous-sols du pays sont imbibés d’hydrocarbures. Et la proximité du Soudan du Sud de la Corne de l’Afrique est aussi intéressante pour les Etats-Unis et l’Europe qu’elle l’est pour la Russie, la Chine et la Turquie.
Pourtant, que ce soit durant la guerre de sécession que la guerre civile qui s’en suivit, aucune de ces puissances n’est intervenue officiellement. Toutefois, l’Ouganda et le Soudan d’un côté, et l’Ethiopie et les Etats-Unis de l’autre, ont pesé lourdement dans la logistique des belligérants.
Actuellement, la guerre a cédé la place à une profonde crise humanitaire. Les millions de personnes déplacées par le conflit entre le président Salva Kiir Mayardit et Riek Machar peinent à retrouver une vie normale.
L’indépendance du Soudan du Sud, une concession
A l’image des pays voisins, le Soudan était une nation divisée et Etats fédéraux. La rébellion armée du Darfour a alors encouragé plusieurs gouverneurs à réclamer l’indépendance de Khartoum. Cependant, de peur d’être submergé au point que le pays s’effrite, le président soudanais Omar el-Béchir a organisé un référendum.
Le référendum d’autodétermination du Soudan du Sud a fait suite à un accord de paix avec les rebelles. Le scrutin a abouti en faveur de la sécession à 99%. El-Béchir a abdiqué au résultat. Cependant, les détails restaient encore à déterminer. Du côté de Khartoum, le sacrifice du pétrole du Sud escomptait une victoire politique pour le régime du président.
La manne pétrolière a touché de manières différentes les deux pays. Si au Soudan, l’inflation a explosé. Au Soudan du Sud, les différends politiques entre les chefs de la révolte ont provoqué une guerre civile brutale. Autour de 400 000 Sud-soudanais sont morts entre 2013 et 2020. Et les ennemis de cette guerre sont les protagonistes de la révolution, ainsi que les dirigeants du jeune pays.
Salva Kiir et Riek Machar, protagonistes d’une calamité
Le premier et seul président du pays depuis 2011, Salva Kiir, chef du MPLS, était le vice-président du Soudan avant la sécession. Homme militaire avant de rejoindre la révolte, il avait succédé à John Garang. Il n’a pas, toutefois, la même force de caractère de son prédécesseur, ni son penchant pour la diplomatie. Il a ainsi perdu le soutien ougandais historique du mouvement dès l’indépendance.
D’un autre côté, le vice-président Riek Machar, qui a repris son poste depuis le cessez-le-feu de 2020, est depuis 10 ans le meilleur ennemi de Salva Kiir. Plus impliqué dans la politique Sud-soudanaise, le patron du SPLA a rejoint le parti du président à plusieurs occasions.
Kiir et Machar avaient dirigé la rébellion depuis 2005. Et l’issue politique de la guerre d’indépendance les avait surpris. Pourtant politiciens de carrière, les deux rebelles ont connu beaucoup de difficultés. Premièrement, l’union des deux hommes d’Etat était conditionnée par la nécessité du temps du conflit contre l’Etat fédéral. Deuxièmement, Kiir et Machar n’ont jamais partagé une affinité quelconque avec la neutralité. Respectivement d’extrême droite et d’extrême gauche, et dotés de deux puissantes milices, ils ont déçu les espoirs des Sud-soudanais en se livrant la guerre.
Une guerre civile à la brutalité inouïe
La guerre civile a été purement provoquée par les divisions au sein du MPLS. Indubitablement, l’ethnie a joué un rôle prépondérant dans la guerre civile. Salva Kiir est Dinka et Riek Machar est Nuer. Lorsque l’occasion se présenta en 2013 pour que les deux leaders s’accordent pour calmer le conflit ethnique dans la capitale Djouba, ils ont préféré le politiser. Le président Salva Kiir a accusé Machar d’une tentative de coup d’Etat. Le vice-président s’est alors enfui, ses partisans au pouvoir ont été persécutés. Puis, une coalition occidentale formée par l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont appuyé le retrait des dirigeants nuers de la capitale.
Le gouvernement de Kiir a donc intensifié les hostilités. Et les soldats de Riek Machar ont afflué vers les sites stratégiques afin de faire plier le pouvoir central. En capturant les champs pétroliers, un statu quo s’est installé en 2014. Une première paix a été signée par Machar et Kiir à Addis-Abeba.
Cependant, le conflit a repris, plus brutalement, deux mois plus tard. Le cessez-le-feu n’a été respecté qu’en 2016, sous la pression occidentale. Ensuite, Riek Machar a repris son poste de vice-président. Dans les rues de Djouba, les lieutenants de Machar exclus de l’accord de 2016 ont repris les armes. Et de sanglants affrontements ont suscité le déploiement des Casques bleus de l’ONU. Pendant deux ans, la spirale des violences a anéanti la paix fragile, et provoqué une famine dans le pays, ainsi que plus de 200 000 morts. En 2018, le Soudan du Sud retrouve enfin la paix, et les pourparlers reprennent. Après un marathon diplomatique, Machar et Kiir retrouvent le statu quo en février 2020. Depuis, le pays est relativement stable, mais à quel coût ?
#UPDATE South Sudan – the youngest nation is the world – is turning 10 today. But, after a decade of independence, not everything has gone according to plan. A civil war has torn through the country & it has exacerbated other conflicts over cattle, land and ethnic tensions too. pic.twitter.com/X5c3GWDUEs
— Mowliid Haji Abdi (@MowliidHaji) July 9, 2021
Existe-t-il un futur pour le Soudan du Sud ?
Les horreurs de la guerre civile dans le Soudan du Sud sont historiquement parmi les pires en Afrique. Dans l’histoire contemporaine du continent, aucun conflit n’a fait autant de morts en si peu de temps. Et même la RCA et la RDC ne sauraient rivaliser avec la brutalité et les crimes de guerre du Soudan du Sud.
L’ONU, l’Union africaine et les ONG font état de 2 à 3 millions de déplacés, ainsi que de 400 000 morts au total. Une véritable boucherie. Néanmoins, l’épouvante Sud-soudanaise ne se résumait pas à cela. Les exécutions se faisaient par centaines, tous les jours, en brûlant et en décapitant des civils. Les viols, les émasculations, les crimes d’esclavage et la conscription des enfants ont formé des cicatrices dans la mémoire de toute la population Sud-soudanaise.
De plus, la relative paix que connait le pays est déjà menacée par la soif de sang des chefs de guerre qui se sont convertis en bandits. Sans négliger la soif de pétrole des pays voisins et des Occidentaux. Pendant ce temps, la famine est devenue une réalité quotidienne dans l’Ouest de la petite et jeune nation. Et même les ONG ne s’aventurent plus sur le terrain Sud-soudanais de peur de la violence inhumaine que la guerre civile a normalisée.
Pour cette insécurité, et d’autres plus communes mais moins simples à résoudre, comme les finances anéanties, l’emploi inexistant, l’infrastructure délabrée et la crise sanitaire, le Soudan du Sud fête son indépendance avec amertume. Le futur incertain du pays préoccupe ses ressortissants. Et le doute existe quant aux possibilités, ou perspectives disponibles pour sortir le Soudan du Sud du gouffre.
Fun facts about South Sudan! 🇸🇸
-Tall people.
-Youngest country
-Land of the dark melanin
-More than 60 ethnic groups.
-over 60 languages spoken in the country.
-Majority of population under the age of 25.
And the list goes on!!
(July 9th 2011) pic.twitter.com/OWnSlvrtX2— Duot B. Ajang 444 (@king_duot) July 9, 2020