Avançant sur un fil depuis janvier, le chef du gouvernement tunisien résiste. Quitte à rester en froid avec le président de la République.
C’était il y a trois jours. Une réunion s’est tenue entre le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, et le chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Une première depuis janvier 2021, qui a déjà croisé le chef de l’Etat mais en sa simple qualité de ministre de l’Intérieur, poste qu’il cumule depuis le 5 janvier dernier avec celui de chef du gouvernement. Lors de cette entrevue, plusieurs anciens chefs de gouvernement ont également été présents.
La toute-puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) n’est pas étrangère à ce rendez-vous. Le secrétaire général du syndicat, Noureddine Tabboubi, a en effet rencontré le président de la République préalablement. Il espère un dialogue national, comme celui auquel l’UGTT a participé quelques années auparavant. En janvier dernier, la centrale syndicale et le président étaient tombés d’accord quant à la tenue d’un dialogue national, sans pour autant trouver de consensus sur les objectifs de ce dernier.
Saïed et Mechichi ont finalement accepté une rencontre. Une façon de briser la glace ? Il a forcément été question d’un remaniement ministériel, point d’achoppement entre les deux hommes. Le président a, ces derniers temps, toujours mis son veto au remaniement. Après la rencontre, selon le secrétaire général d’Attayar, Ghazi Chaouachi, Saïed aurait accepté le maintien d’Hichem Mechichi à la tête du gouvernement.
Concernant le remaniement, le chef de l’Etat a demandé que celui-ci soit revu en profondeur. Le chef de l’Etat avait refusé la prestation de serment de quatre nouveaux ministres. Depuis, le crise bloque le pays, d’autant qu’entre le président et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ce n’est pas le grand amour. Et l’annonce, ce jeudi, de l’UGTT d’engager le dialogue national sans Kaïd Saïed montre que cela ne risque pas de s’arranger de sitôt.
Une guerre froide sans fin
Malmené, Hichem Mechichi plie mais ne rompt pas : le chef du gouvernement a tenté, un temps, de faire cavalier seul en opérant un remaniement sans demander l’avis de son président de la République. Alors que Saïed rêve d’un régime présidentiel, il est cependant obligé de composer avec son chef du gouvernement. Mechichi et son entourage ont choisi d’éviter les confrontations directes avec Kaïs Saïed. Mais cette stratégie a ses limites : le chef du gouvernement ne pouvait indéfiniment œuvrer seul, dans l’ombre.
Son soutien, Mechichi est allé le chercher à l’ARP, auprès de partis dont il n’était pourtant pas forcément proche, comme Ennahdha ou Qalb Tounes. Mais en effectuant un remaniement, très large, il a lui-même ouvert la brèche d’une crise politique. D’autant qu’il a décidé de prendre des ministre empêtrés dans plusieurs affaires, ce à quoi s’est opposé le président.
Malgré une pression de plus en plus forte de la part de Carthage, Mechichi a donc conservé son poste. Ou plutôt ses postes, car il s’était nommé ministre de l’Intérieur en janvier dernier. Poussé à la démission, Hichem Mechichi aura donc eu le mérite de tenir. Mais pour combien de temps encore ? En se plongeant, lui mais également Carthage, dans une crise institutionnelle, Mechichi n’a pas fait avancer les choses. Le pays est confronté à une autre crise, économique et sociale celle-ci.
Mechichi va donc attendre le résultat d’un dialogue national qui ressemble déjà à une cacophonie. Là encore, il s’agit d’une chance pour lui de rester un peu plus à la Kasba. Car, divisés, les opposants au chef du gouvernement n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord sur le nom d’un remplaçant. Mechichi est décidément le grand gagnant du désordre qui règne actuellement en Tunisie.