Lors d’une visite du président français dans la Drôme, au Sud de la France, ce mardi 8 juin, un jeune homme a giflé Emmanuel Macron. L’évènement a suscité l’indignation de certains et le sarcasme des autres.
Dans le cadre de sa visite du Sud-Est français, Emmanuel Macron a été giflé par un jeune homme. C’est certainement un acte grave et inédit, dans sa spécificité. Toutefois, le président français n’est pas le premier chef d’Etat à se faire agresser, encore moins le premier président français à être attaqué.
Les politiciens africains n’ont pas commenté publiquement l’évènement. Cependant, la quasi-totalité des responsables politiques français ont condamné fermement l’acte. D’un point de vue symbolique, cette gifle porte plusieurs sens. Malgré que l’assaillant n’eût aucune conception politique à son acte au moment des faits, le président français, lui, est un l’homme de tous les contextes.
Macron a dénoncé dans le passé la « stratégie menée par la Turquie et la Russie pour s’emparer de l’Afrique ». Des accusations qu’il a réitérées la semaine dernière à propos de la RCA d’ailleurs. En marge de l’agression du président français, deux paradigmes émergent. D’abord, celui des « concours de gifles » très populaires auprès des Russes, que l’on considère souvent comme « les meilleurs gifleurs du monde ». Puis, il existait dans l’histoire de l’Empire Ottoman, la fameuse « gifle ottomane ». En effet, les janissaires s’entrainaient en giflant des blocs de marbre dans un passé lointain. Rien à voir avec la gifle du 8 juin, cependant. Qui a été condamnée en premier par les « opposants » de Macron. Notamment par Marine Le Pen. Cette dernière sera une rivale de premier plan pour le président français, lors de l’élection présidentielle de 2022.
La gifle la moins rentable de l’histoire de France
— x – Nailyk🇵🇹 (@NewIcar_) June 10, 2021
Une première historique
Macron participera sans doute à l’élection. Et ainsi, il le fera en étant le premier président dans l’histoire à se faire gifler devant les caméras. Sa tournée française qui l’a exposé à ce risque avait pour but de le rapprocher de la foule. Or, il aurait sans doute regretté cette décision. Tous les chefs d’Etats français contemporains ont eu droit à l’agressivité du public à un moment donné. Emile Loubet, lui-même originaire de la Drôme, a été agressé à coups de canne par Isidore Fernand Chevreau en 1899. Toutefois, Loubet a gracié le baron en mars 1900, afin de mettre fin aux rumeurs qui arrimaient l’emprisonnement à l’essor de l’affaire Dreyfus.
D’autres présidents français avaient plus d’humour vis-à-vis des agressions. François Mitterrand avait répondu aux manifestants qui lui criaient : « Mitterrand, fous le camp ! » par un simple : « ça rime, mais c’est une rime pauvre ». Plus tard, Jacques Chirac, malgré qu’il ait été le président français le plus caricaturé, n’hésitait pas à répondre à un homme qui le traitait de « connard » par un « bonjour, moi c’est Chirac ». On lui avait même tiré dessus en 2002. Un incident qu’il ne commenta réellement que dans ses mémoires, où il dit : « Lorsqu’on se sent rejeté par la société, on cherche à atteindre son symbole le plus élevé ».
Cependant, bien avant, Charles de Gaulle avait échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. Les plus déterminées avaient été commises par l’Organisation de l’armée secrète (OAS), sur fond de la guerre d’Algérie. D’autres agressions dans l’Histoire de France avaient entraîné la mort de deux présidents. Un anarchiste italien avait poignardé Sadi Carnot en 1894, il mourût un jour plus tard. Puis, en 1932, le président français Paul Doumer a été assassiné par balle le 6 mai 1932, par un Soviétique.
Macron, la faillite d’un modèle de communication, ou la débâcle du symbole du chef d’Etat ?
Toutefois, les prédécesseurs directs de Macron, ainsi que lui-même, n’ont eu affaire qu’à des agressions symboliques. Curieusement, Nicolas Sarkozy, beaucoup moins populaire que Macron, n’a eu droit qu’à une « agression physique » mineure. Un homme lui avait agrippé le bras et a écopé d’une peine de prison avec sursis. Néanmoins, « Sarko » a eu affaire à beaucoup d’insultes devant les caméras. Quant à François Hollande, il a été enfariné en 2012, son Premier ministre, Manuel Valls, a été giflé en 2017 alors qu’il était député.
Pourtant, la gifle de Macron n’obéit à aucune étiquette politique, ni même aux petites mœurs politicardes. Mais à première vue, elle résulte de l’image que projette le président français actuellement. Macron est accessible, au point de la légèreté. C’est exactement l’absence d’incertitudes dans son discours, souvent paradoxal ou impertinent, qui l’a fait élire. En soi, Emmanuel Macron maniait bien la « langue de bois ». Mais ce n’est pas suffisant, pour un chef d’Etat qui mise sur son image, et non sur ce qu’il représente.
En effet, Emmanuel Macron avait déclaré, en 2017, au G20, que le « défi de l’Afrique » était « civilisationnel ». En citant « l’Etat failli » ou encore « la transition démographique » en soulignant ces « sept à huit enfants par femme » qui seraient un problème pour l’Afrique.
Pourtant, en raison du black out des médias français, cette déclaration insultante a été relativement outrepassée en Afrique. Sans quoi, le fraichement élu président Macron aurait été boycotté en Afrique. Cependant, il avait réussi à contourner cette mauvaise publicité en multipliant les « initiatives pro Afrique ». A l’image des tournées africaines multiples en 2017-2018, la mise en scène de ses rencontres avec les chefs d’Etat. Ou, encore, une visite au Shrine, au Nigéria. Suivie d’un entretien raté avec la chanteuse américaine Rihanna, alors qu’elle faisait la promotion de son programme éducatif au Sénégal.
Le respect des chefs d’Etats en Afrique, outre la critique
Ce seraient ces multiples maladresses, et d’autres plus sérieuses mais toujours peu justifiées, qui font perdre à Macron bien plus que sa popularité. Le président français ne remplit simplement plus le prestige de son poste. En France, c’est une certitude.
Les chefs d’Etats Africains sont globalement plus regardants quant au décorum. Les sociétés africaines, en Afrique de l’Ouest et surtout en Afrique centrale, traduisent bien ce sentiment. Il est souvent lié à l’éducation et aux considérations de l’âge de la personne. N’importe son statut.
On peut rappeler, à titre d’exemple, l’intervention du président ghanéen (77 ans), Nana Akufo-Addo, en tant que président de la CEDEAO en marge de la crise malienne. C’est en majorité sa préconisation d’accompagner la transition au Mali qui a pesé plus lourdement que celle d’Emmanuel Macron. Et ce, malgré que les Etats les plus influents de la CEDEAO soient francophones et en bons termes avec la France. Un autre exemple serait celui de l’impact du président en exercice de la CEEAC, Denis Sassou-Nguesso (77 ans). Ce dernier a réussi à désamorcer plusieurs crises récemment, notamment entre le Tchad et ses voisins du Nord et du Sud, la Libye et la RCA.
Certains chefs d’Etats africains, comme leurs homologues partout dans le monde, sont facilement critiquables. Cela « fait partie du package ». Toutefois, il est inconcevable qu’un président se fasse humilier. C’est exactement cette raison, par exemple, qui anime aujourd’hui les partisans de Laurent Gbagbo. Qui n’acceptent toujours pas qu’un président en exercice se soit fait filmer en pyjama, après que sa demeure ait été attaquée par des forces étrangères, notamment.
Un chef d’Etat inspire généralement le respect en Afrique, même lorsqu’il est critiqué. Or, aujourd’hui les internautes africains appellent Emmanuel Macron : « président M’Baffé », en signe de moquerie. Cela fait sans doute partie du sentiment anti-français qui grandit en Afrique. Mais c’est aussi le signe que la gifle de Macron, pour les Africains, en tout cas, n’ait pas atteint un chef d’Etat.