Face aux lenteurs de la réforme de la justice tunisienne, l’Union européenne a haussé le ton. Après avoir investi des millions, l’UE veut des résultats.
C’est un projet vieux de dix ans qui traîne encore et encore. Depuis la révolution de 2011, les Tunisiens attendent la réforme de leur système judiciaire. Il est notamment reproché le manque d’indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs politiques.
Il y a deux ans et demi, un groupe de neuf députés a proposé un projet de réforme censé redonner à la justice son indépendance et surtout de la transparence. Un projet de réforme a donc été finalisé par les députés, qui vont donc le soumettre à l’Assemblée des représentants du peuple dans plusieurs semaines.
Mais la lenteur des débats fait beaucoup parler, en Tunisie comme à l’international. Lors du deuxième sommet Tunisie-UE, auquel participait le président tunisien Kaïs Saïed les 3 et 4 juin derniers, il a été rappelé l’effort financier de l’Union européenne dans de nombreux domaines, et particulièrement celui de la justice pour lequel l’UE a déboursé 100 millions d’euros depuis 2011.
Sur son site internet, le ministère tunisien de la Justice revient sur le Programme d’appui à la réforme de la justice (PARJ), dont la convention de financement a été signée en octobre 2012 pour un budget de 25 millions d’euros. Il s’agit de reconstruire « la confiance entre le public et le système judiciaire » et de renforcer son indépendance. « L’objectif général du programme est le renforcement de l’état de droit et l’appui à la transition démocratique en soutenant le processus de réforme de la justice et du système pénitentiaire, conformément aux normes européennes et internationales », résume le ministère.
La Cour constitutionnelle au point mort
Parmi les objectifs plus précis, le PARJ doit permettre de « renforcer l’indépendance et l’efficacité de la justice, améliorer l’accès à la justice et au droit et moderniser le système pénitentiaire ». Mais on semble être bien loin des attentes de l’Union européenne, qui a déboursé une bonne partie des 100 millions d’euros pour la période 2012-2023. Il reste encore une vingtaine de millions d’euros à encaisser, mais l’Union européenne demande avant cela des résultats.
Or, la loi organique sur l’inspection générale au ministère de la Justice n’a pas encore été adoptée et, pire, la Cour constitutionnelle semble loin de voir le jour. Autrement dit, la réforme tant attendue n’est pas près de voir le jour. Certes, tout n’est pas à jeter : à Jeune Afrique, l’ex-ministre de la Justice, Mohamed Karim Jamoussi, décrit « des acquis notables pour les différents projets mis en œuvre dans ce cadre, que ce soit au niveau de l’infrastructure judiciaire et pénitentiaire ou encore au niveau du renforcement des capacités matérielles et personnelles des établissements ».
Mais les spécialistes de la justice déplore un manque flagrant de moyens et un manque de volonté de la part des dirigeants politiques. Le PARJ a également permis de mettre en place des mesures de probation ou des bracelets électroniques.
Les tribunaux tunisiens sont engorgés et les délais de détention préventive sont bien souvent dépassés. Sans oublier la corruption, omniprésente dans le secteur de la justice. Enfin, des lois rétrogrades sont appliquées. Le travail est encore immense et le programme de réforme de la justice patine toujours autant. De quoi agacer l’Union européenne, qui risque bien de bloquer les fonds encore dus en cas de paralyser de cette réforme.