Le dernier bilan des morts de l’attaque terroriste au Nord du Burkina Faso est de 160 morts. Un chiffre effroyable que la diplomatie française n’hésitera pas à utiliser pour étendre son influence au Sahel.
Au moins 160 morts dans l’attentat le plus meurtrier au Burkina Faso depuis le début de l’offensive terroriste en 2015. Parmi les décédés, tous civils, au moins une vingtaine d’enfants. L’incursion du groupe armé au village de Solhan, dans la province de Yagha, a choqué le Burkina Faso. Le président Roch Marc Christian Kaboré a annoncé un deuil national de trois jours.
Toutefois, le ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, ne laissera pas les Burkinabés reprendre leur souffle ni finir de compter leurs morts. Il sera donc en déplacement à Ouagadougou « cette semaine », afin d’exprimer « la solidarité de la France ». Une manœuvre rapide et stratégiquement habile, alors que la France perd progressivement son contrôle sur les Etats sahéliens.
En effet, Le Drian a été l’un des premiers diplomates à exprimer ses condoléances au chef d’Etat du Burkina Faso. Sans doute afin de marquer l’occasion de réconcilier la diplomatie française et l’Etat burkinabé. Car depuis des mois, le Burkina Faso a choisi d’écarter l’armée française du commandement de ses opérations antiterroristes. On remarque aussi une prise de position burkinabé opposée aux intérêts français, notamment dans le cas des coups d’Etats tchadien et ensuite malien.
Et il y a de quoi. La France s’est trop exprimée contre la procédure de réconciliation nationale initiée par le Burkina Faso. Il s’agit d’une nouvelle méthode d’adresser la menace terroristes, que le ministre Zéphirin Diabré emploie. Et que Paris condamne depuis la fin de la présidentielle de novembre 2020 et la nomination de Diabré.
L'histoire retiendra votre nom. Avec toutes les exactions que votre armée commet en Afrique. Pour tout le malheur que vous engendrez dans la vie des populations, vous payerez le prix fort. #Unjour
— Namede Sergilles (@NamedeSergille2) June 6, 2021
L’union du Burkina Faso contre la destabilisation de la France
En effet, le gouvernement d’Emmanuel Macron misait sur la division au sein de la classe politique du Burkina Faso. En l’occurrence entre Kaboré et Diabré. Ce qui, au vu de leur étroite collaboration, aurait provoqué l’ire des deux ex-candidats à la présidentielle. Actuellement, Kaboré est président pour un autre mandat depuis décembre et Diabré est le fer de lance de son gouvernement. Surtout lorsqu’il s’agit de son plus grand défi, la lutte antiterroriste.
L’ancien opposant et actuel allié du président burkinabé a démontré son efficacité dans la sécurisation du territoire du pays. Il avait confirmé le cessez-le-feu entre les forces armées burkinabé, la Katiba Macina au Nord et AQMI dans l’Est. Ensuite, il a procédé à établir le mode opératoire des opérations antiterroristes conjointement avec l’armée. L’opération « Houné » est un exemple de ce nouveau paradigme, qui met l’accent sur la stabilisation plus que sur la puissance de feu.
Cette nouvelle gestion de la crise terroriste allait clairement contre les intérêts français. Parmi ces derniers, les revenus de l’or dans le Nord burkinabé qui ont été réduits de moitié depuis la fédération des gisements par l’Etat en février 2021. En effet, des sociétés françaises avaient liquidé leurs actifs au Burkina Faso, dans l’absence progressive de l’armée française Barkhane.
Le forban ou l’âme damnée de @EmmanuelMacron @JY_LeDrian pense diviser les africains. Le bâton pour le Mali et la carotte pour le Burkina exactement comme le vieux maître colon! Sauf qu’en 2021 l’esclave a grandi. pic.twitter.com/dlGblseLSv
— Chris Yapi (@ChrisYapi4) June 7, 2021
La tentative de Paris de redorer son blason à Ouagadougou
Plus récemment, en marge de la crise malienne, le Burkina Faso a traduit sa volonté de s’extirper du joug français. En effet, lors de la réunion de la CEDEAO à propos du dernier coup d’Etat malien, le président Kaboré a été l’un des quatre chefs d’Etats à se prononcer sur la question. Au sommet d’Accra, le Burkina Faso s’est tenu du côté d’Assimi Goïta. Ce qui reviendrait à saper les efforts français d’isoler le nouveau chef d’Etat malien.
Ensuite, les échanges commerciaux entre le Burkina Faso et la France ne cessent de diminuer. Le Burkina est très dépendant du commerce extérieur, à hauteur de 68% du PIB. Or, la France profite uniquement de 17% cumulativement de la masse d’import et d’export au Burkina Faso. Cette tendance a été approfondie par l’Etat burkinabé depuis la réduction des droits de douane au tiers. Actuellement, Singapour, la Côte d’Ivoire, l’Inde et la Chine sont devant la France en échanges commerciaux. Ces quatre pays jouissent aussi des nouvelles taxes. Alors que le commerce aurifère ne rentre pas dans cette catégorie. Et c’est la France qui écope de la facture, de facto.
La visite de Jean-Yves Le Drian aurait donc deux buts. Premièrement, un chantage de la lutte antiterroriste probablement contre un revirement d’opinion quant à la transition malienne. Deuxièmement, une tentative de rétablir les relations franco-burkinabés à leur état préalable à l’élection présidentielle de 2020.
131 morts en France : les dirigeants du monde entier défilent main dans la main
160 morts au Burkina Faso : 2 entrefilets
Ce monde me révolte.#jesuisburkinabé pic.twitter.com/AODlcSgkOx— GreenBarjφjo Mº333 ☮️ 🐝 🦍🌺🌍🐉🦞😷🌈o|o🦛🏴☠️ (@GreenB1968) June 7, 2021