Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, enverra une missive au Parlement pour obtenir une prorogation de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri.
Après la fin du mandat d’un mois des Forces armées de la RDC (FARDC) au Nord-Kivu et en Ituri le 30 mai, le gouvernement cherche une prorogation. En effet, le président de la RDC Félix Tshisekedi a demandé au gouvernement de saisir le parlement pour une extension de l’opération militaire.
Ledit « état de siège » dans l’Est congolais n’est pas sans rappeler d’autres opérations passées dans la même région. En effet, en juin 2019, Zaruba ya Ituri a été déployée dans la région pour combattre les rebelles Lendu. Puis, en octobre de la même année, une offensive des FARDC à Beni a visé la même menace que Tshisekedi essaye d’éradiquer actuellement, les ADF.
Les Forces Démocratiques Alliées (ADF) avaient intensifié leurs attaques dans le Nord-Kivu et l’Ituri depuis le début de l’état de siège. Un record de civils est tombé à la suite des raids contre les villages de la région. Depuis samedi dernier, 96 civils sont morts. La dernière attaque en date a eu lieu mercredi, au Nord-Est de l’Ituri. Au moins 12 civils ont été exécutés par les ADF.
Le maire de Mungwalu, Jean-Pierre Pikilisende, a déclaré que la milice cherche à reprendre le contrôle de la région. Du côté des ADF, c’est une guerre d’attrition menée contre les FARDC, la MONUC et les forces ougandaises. L’état de siège actuel est jusque-là un échec.
Etat de siège, un échec temporaire ?
Il semble donc que le président de la RDC tient à munir les FARDC de plus de temps pour essayer de remporter des victoires plus importantes. Depuis la reprise des fiefs des ADF au début du mois par l’armée, le groupe armé est devenu bien plus sanguinaire. Il n’y a aucun doute sur l’optique des mouvements militaires dans la région.
A mesure que les FARDC ratissent la région plus au Nord, le Nord-Kivu, les ADF se dirigent vers le Sud. En effet, quatre des sept derniers attentats ont eu lieu au Sud-Kivu et à Beni. Les deux régions avaient connu quelques mois de calme après une fin 2020 meurtrière.
Actuellement, les deux régions situées sur les frontières rwandaises et ougandaises sont au cœur du conflit. Il se pourrait bien que la prorogation de l’état de siège inclue l’élargissement de l’opération militaire, donc.
Depuis la perte de leurs deux bases d’opération dans le Nord-Kivu, les ADF s’attaquent principalement aux civils. Selon le chef des opérations des FARDC, Peter Cirimwami : « Ne disposant plus d’un fief, les ADF en errance usent de la ruse pour perpétuer le massacre », a-t-il déclaré fin mai.
Les FARDC avaient surtout repris le Camp Kajuju, où un nombre ahurissant d’armes et de munitions ont été saisis. C’est à ce moment que les ADF, ainsi que leur chef Musa Baluku ont commencé à déplacer leur bataillon au Sud.
Tshisekedi veut réinstaller l’Etat dans l’Est du pays
Le président Tshisekedi entretient plusieurs enjeux à travers l’opération militaire. D’un côté, son alliance militaire avec l’Ouganda est une façade pour une collaboration plus profonde. Depuis que Museveni a déployé ses troupes sur la frontière séparant les deux pays, c’est un processus qui a été entamé. Parmi les facteurs, le chantier d’une route commerciale importante a été débloqué. La voie qui reliera la RDC et l’Ouganda a une importance géostratégique et économique indéniable.
Du côté ougandais donc, il n’y aura pas de concessions quant au « nettoyage » de la région frontalière de la menace des groupes armés. Pour Félix Tshisekedi, par contre, il s’agit de rallier l’Est du pays au gouvernement central. La région de l’Est, avec ses cinq départements, est virtuellement coupée du monde. La présence de l’Etat est sommaire, et les populations manquent de plus ou moins tout ce qui garantit le développement.
Mais un terrain vierge représente aussi une opportunité pour Tshisekedi et son union sacrée. Une guerre froide oppose les deux factions de la droite congolaise. Depuis la dissolution de l’union Tshisekedi-Kabila, les alliés d’hier sont devenus les plus vifs critiques du président. Il est indéniable que Tshisekedi représente la seule solution à la crise de corruption dans l’Etat, dont Kabila tirerait les ficelles. Il est tout aussi vrai qu’on ne peut régir un Etat corrompu sans y laisser des plumes. La RDC serait le 12e pays plus corrompu au monde selon Transparency International. Le pays est derrière les autres pays de la sous-région, et dans le top 5 africain.
Libérer l’Est des groupes armés est donc aussi un moyen de démarrer le développement avec des représentants de l’Etat « dignes de confiance ». Le président Tshisekedi avait promis de combattre la corruption en marge de sa récente visite dans l’Est congolais.