28 ans après le référendum sur l’indépendance érythréenne de l’Ethiopie, l’Erythrée est-elle vraiment indépendante ?
L’Erythrée célèbre aujourd’hui son indépendance du 24 mai 1991 et sa séparation de l’Ethiopie du 24 mai 1993. Une fête qui rappelle à beaucoup d’Erythréens exilés l’état de leur pays. L’Erythrée a connu la guerre plus que n’importe quel autre pays dans la sous-région. Elle mène aujourd’hui une guerre contre la région frontalière éthiopienne du Tigré, aux côtés de l’armée qui l’avait colonisée par le passé. Avant d’être incorporée à l’Empire éthiopien, l’Erythrée a connu aussi l’invasion italienne et le protectorat britannique.
Don't forget 🇪🇷 we support child killers too https://t.co/oiBNxam4lf
— H.E. Isaias Afewerki (@AgameDictator) May 16, 2021
28 ans d’Isaias Afwerki, quel bilan ?
Peut-on dire que la situation érythréenne soit meilleure aujourd’hui ? L’Erythrée fait partie des pays africains où la guerre ne s’est jamais arrêtée. Des guerres de l’indépendance, aux affrontements claniques, en passant par les conflits territoriaux avec les pays voisins. L’Erythrée n’a connu qu’une année de paix.
La petite nation surplombant la Mer Rouge compte plus de 10 000 prisonniers politiques et le quadruple de militants exilés. Elle a été classée dernier ou avant-dernier pays en liberté de la presse pendant 14 ans successifs. L’Erythrée n’a jamais obtenu de vrai soutien international. Tout ce que l’ONU, l’Union africaine (UA) et les pays étrangers ont offert aux érythréens était des sanctions.
Selon les agences aux réfugiés, plus de 330 000 Erythréens ont quitté leur pays depuis 2010. Parmi eux, 46 000 ont cherché l’asile politique en Europe ou dans les pays voisins. Un rapport du HCDH fait état du pire bilan au monde dans 7 sur 9 catégories du respect des droits fondamentaux.
Cela fait maintenant 28 ans qu’Isaias Afwerki est à la tête du pays. Avec un mandat aussi long que l’indépendance, le président tigréen a réussi à faire considérer son pays comme la Corée du Nord de l’Afrique. Depuis la fin de la deuxième guerre contre l’Ethiopie, 2% de la population aurait été tué par les forces armées nationales, dans le cadre d’exécutions sommaires ou sous la torture.
Après la fin des hostilités entre l’Erythrée et l’Ethiopie, une alliance militaire s’est progressivement installée entre les deux pays. Son résultat est une guerre bicéphale menée contre le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT). Dans un passé lointain, en 1991, c’était le FLPT qui avait obtenu un accord avec l’Ethiopie pour que l’Erythrée soit indépendante.
Me too after I die https://t.co/63obBR5Rcm
— President Isaias Afwerki🇪🇷 (@AfeworkiIsayas) May 20, 2021
La peur qu’inspirent les souvenirs aux tyrans
En effet, une poésie de Mahmoud Darwich cite : « Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : Les écrits d’Eschyle, (…) et la peur qu’inspirent les souvenirs aux tyrans ». Or, la mémoire du président de l’Erythrée est, hélas, bien courte.
Lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies avait délibéré dans les années 1940 sur le sort des anciennes colonies italiennes, l’Ethiopie avait fait pression pour annexer l’Erythrée. Ensuite, les experts de l’ONU déterminèrent que la majorité des Erythréens souhaitaient l’indépendance en 1949. Cependant, les Etats-Unis ont pris position en faveur de la revendication éthiopienne.
Le secrétaire d’Etat américain, Dean Acheson, avait déclaré : « Du point de vue de la justice, le choix du peuple érythréen doit être pris en considération. », a-t-il dit. Puis, il a poursuivi : « Néanmoins, nos intérêts stratégiques dans la région et la paix mondiale rendent nécessaire la fédération de l’Erythrée avec notre alliée l’Ethiopie. », a déclaré Acheson.
Le peuple érythréen a été contraint de prendre les armes pour reprendre son indépendance. Après 30 ans de guerre et des centaines de milliers de morts, la domination éthiopienne s’est terminée par une victoire militaire. En 1991, l’Erythrée est devenue un Etat souverain de facto.
Le Derg Mengistu, qui était alors président de la république, refusait de reconnaitre la souveraineté érythréenne. Ce n’est qu’alors que les armées érythréennes et le FLPT avaient renversé le gouvernement éthiopien.
Cela n’a toutefois pas empêché Isaias Afwerki de faire la guerre à ses alliés dans la guerre d’indépendance, le FLPT. Il n’a pas rechigné, non plus, à envoyer ses armées au Tigré, depuis des mois, massacrer des civils, en marge d’une alliance contre nature avec le Prix Nobel Abiy Ahmed, le souverain éthiopien.