« Je vais essayer d’être le Mandela de la Guinée ». Fin 2010, Alpha Condé prenait le pouvoir en Guinée. Avec une ambition certes démesurée, mais en donnant une bonne dose d’espoir à tout un peuple. De Mandela, Condé a pris la détermination. Pour le reste, il faudra repasser. Pendant quatre décennies, Alpha Condé a été un farouche opposant aux dictatures successives en Guinée. Conséquence : l’opposant de l’époque s’est exilé en France pendant une vingtaine d’années. Il avait été condamné à mort par contumace par le régime d’Ahmed Sékou Touré. Il fera ensuite vingt mois de prison sous Lansana Conté, qui a régné sans partage sur la Guinée pendant près d’un quart de siècle. Alors, dans les années 1990-2000, lorsqu’on évoque le nom d’Alpha Condé, on pense directement à l’ami des ONG, au militant des droits de l’Homme soutenu par Tiken Jah Fakoly ou encore au farouche opposant politique qui a subi les pires oppressions, lui qui a été condamné par une « Cour de sûreté de l’Etat guinéen » spécialement créée pour lui.
Alpha Condé, un militant engagé… pour le pouvoir
Qu’a-t-il pu arriver à Alpha Condé pour qu’il devienne le type de président qu’il a toujours combattu ? Ses compagnons de lutte semblent finalement peu surpris lorsqu’on évoque le parcours de l’autoritaire chef d’Etat. Car les opposants d’aujourd’hui sont, pour la plupart, des amis d’hier. Et en 2021, les langues se délient. Surtout depuis les heurts qui ont marqué la présidentielle en fin d’année dernière à Conakry. Face à lui, Cellou Dalein Diallo n’a pas fait long feu. La maison de l’opposant politique avait même été encerclée par l’armée. Le Alpha Condé des années 1980, s’il n’avait pas été le commanditaire, aurait certainement soutenu avec force et vigueur les dérives autoritaires qui ont été observées à Conakry ces derniers mois. Mais avec du recul, les ex-compagnons de route du président guinéen sont unanimes : Alpha Condé n’était pas un militant engagé, il visait tout simplement un objectif, celui de prendre un jour le pouvoir.
Mandela doit se retourner dans sa tombe
Un instrument que les Guinéens regrettent certainement d’avoir mis entre les mains de Condé. En mars dernier, les Députés européens ont rappelé à la Commission européenne que les auteurs présumés du massacre du 28 septembre 2009, commis par des unités d’élite de la Garde présidentielle, avaient toujours des positions privilégiées au sein de l’administration civile et militaire. Les élus réclament des sanctions contre les responsables des meurtres de manifestants depuis 2010. Les deux derniers scrutins ont fait cinquante morts et quatre militants politiques sont morts lors de leur détention pendant la présidentielle. Les eurodéputés remettent aussi en doute les résultats de cette présidentielle, jugeant que Condé s’était proclamé gagnant à tort. De ceux qu’il a toujours combattu, Alpha Condé a appris l’impunité et la répression. S’il a été accompagné, lors de son arrivée au pouvoir, d’espoirs, ceux-ci se sont définitivement envolés. Le pays promis par celui qui se voyait comme un Nelson Mandela guinéen ressemble désormais à s’y tromper à une dictature. Et l’opprimé est devenu oppresseur. Mandela doit se retourner dans sa tombe.