Un nouveau scandale oppose le président de la RDC, Félix Tshisekedi, à son homologue du Rwanda, Paul Kagame. Ce qui constitue une surprise, au vu des problèmes partagés dont souffrent les pays des deux chefs d’Etats.
Comme si l’humiliante convocation française ne suffisait pas, le Sommet de Paris aurait contribué à plus de dissension entre les chefs d’Etats africains. En première ligne, le favori des médias, Paul Kagame, a déclaré qu’aucun crime n’aurait été commis par des ressortissants rwandais lors des deux guerres civiles congolaises. Ce qui a suscité l’indignation des médias et de beaucoup de citoyens de la RDC. De son côté, le président de la République démocratique du Congo a répliqué avec beaucoup de rétention. Tshisekedi a déclaré : « Ce ne sont pas les Congolais qui accusent, Ce sont des experts de l’ONU qui ont fait le rapport Mapping », a-t-il affirmé.
En effet, l’origine de la querelle entre les deux présidents remonte à 2007, lorsque l’ONU avait mandaté le rapport Mapping. Ce projet faisait suite à la découverte de fosses communes datant de la guerre civile dans l’Est congolais. Et le rapport devait établir un inventaire des crimes de guerre commis entre 1993 et 2003.
Ensuite, le rapport a été soumis aux Nations Unies afin d’en vérifier les faits. Contrairement aux déclarations de Félix Tshisekedi, le panel comprenait 7 experts congolais. Et si des accusations sont adressées aux forces armées rwandaises, elles étaient approuvées par la RDC. Toutefois, que ces accusations refassent surface dans la capitale française n’est pas anodin. En effet, la France cherche depuis des mois à s’extirper de la responsabilité de son armée dans le massacre des Tutsis rwandais en 1994. Et Paul Kagame réclame les excuses officielles de la France à chaque occasion, en vain. L’opposer à un autre dirigeant africain serait efficace pour détourner l’attention des crimes français.
Général Jean Varret : " Visiblement, Paul Kagame était content de nous rencontrer, il semblait très à son aise, même ému, parfois. Nous aussi, d'ailleurs." #Rwanda https://t.co/vGHAnqs07f pic.twitter.com/xGSdQgpzHm
— Laurent Larcher (@LaurentLarcher) May 19, 2021
Le duel Kagame Tshisekedi, dans la langue de Molière
Donc, les deux chefs d’Etats africains avaient lancé une querelle diplomatique sous l’égide d’Emmanuel Macron et des médias d’Etat français. Une confrontation dont leurs pays respectifs n’auraient pas besoin. Et au lieu de concentrer leurs apparitions publiques à Paris sur les taux de bénéfices occidentaux dans les dettes africaines. Ou, par ailleurs, n’importe quel sujet pertinent, les accusations ont fusé.
D’abord, Paul Kagame a annoncé qu’il « n’y a pas eu de crimes de la part des troupes rwandaises en RDC ». Cette déclaration a eu lieu devant deux journalistes français. Les deux représentant les médias de l’Etat français, France 24 et RFI. Et le président rwandais ne se serait pas mouché du pied. Du côté français, l’argument du « négationnisme » était présent dans des dizaines de journaux. L’ancien ministre congolais Billy Kambale a déclaré : « des armées du Rwanda (…) ont fait régner la terreur au Congo. Non au négationnisme », a-t-il réagi. Puis, afin de répéter les propos des médias français, même un opposant de Félix Tshisekedi est monté au créneau.
Le candidat de la Coalition Lamuka, Martin Madidi Fayulu a annoncé : « si les Congolais se font narguer, c’est à cause de l’absence d’un leadership légitime à la tête du pays. ». Le président rwandais a accusé l’activiste et Prix Nobel congolais Denis Mukwege d’avoir manipulé le rapport. Selon Paul Kagame « d’autres rapports affirment l’inverse du rapport Mapping ». Et on aurait « dit quoi dire » à Mukwege. Pour rappel, le Prix Nobel est un opposant de Félix Tshisekedi, et n’a pas hésité à critiquer l’entrisme européen et israélien en RDC depuis des années. Un entrisme dont souffrent les deux pays, et qui cause actuellement une intervention militaire européenne. Cette dernière se fera dans deux régions, où Total avait investi 24 milliards de dollars.
KAGAME : Denis Mukwege devient un outil de ces forces que l'on n'aperçoit pas. Il reçoit le Prix Nobel et on lui souffle quoi dire »
Tshisekedi :Dr MUKWEGE n’est certainement pas une personne qu’on peut manipuler. Il est de ce coin là et connaît les souffrances de la population pic.twitter.com/UCGvpBsy9n
— Tshikamba Nawej Claudel (@LePhoenix84) May 20, 2021
Voir midi à sa porte
Tshisekedi a, de son côté, demandé à Paul Kagame de reconnaitre les crimes de l’armée rwandaise. Selon le président de la RDC : « Il faut se mettre au service de la justice ». Quoique, en raison d’avoir remplacé les gouverneurs de l’Ituri et du Kivu par des criminels de guerre condamnés, Tshisekedi devrait suivre son propre conseil au niveau national. Entre les deux chefs d’Etat, lorsqu’il s’agit d’enfreintes aux droits de l’Homme, chacun devrait voir midi à sa porte.
Parallèlement à ces déclarations de part et d’autre, la Commission européenne présidée par Josep Borrell a donné le feu vert au déploiement militaire. A la suite du Sommet des ministres de la Défense de l’UE, la Commission a voté deux résolutions. Toutes deux ont été appliquées à une vitesse phénoménale. Des « instructeurs militaires » portugais et suisses ont été déployés au Mozambique et en RDC. Dans le cas du Mozambique, cela préparerait l’offensive européenne à Cabo Delgado. Avec les insurgés classés terroristes par le gouvernement américain en ligne de mire. Pour la RDC, il s’agirait plutôt d’une tutelle imposée à l’armée congolaise lors de son opération militaire qui touche maintenant à sa seconde semaine presque infructueuse.
Ensuite, dans le cadre du Sommet, Kagame comme Tshisekedi avaient d’autres priorités. Le Rwanda, malgré qu’il soit dans les bonnes grâces du FMI, détient une dette souveraine qui pèse jusqu’à 68% sur son PIB. La RDC, malgré un taux homologue de 25% sur le PIB du pays, la réalité serait toute autre. La raison serait un détournement systématique des dettes de la banque congolaise vers les entreprises publiques. Il s’agit de l’un des crimes dont est accusé l’ancien Premier ministre Matata Ponyo. L’existence de cette nébuleuse financière est, en effet, l’ingérence israélienne dans le secteur minier pendant les mandats de Joseph Kabila.
#RDC 17.05.202|#Paris
En séjour dans la capitale française où il doit prendre part au Sommet de Paris sur "le financement des économies africaines ", le Chef de l'État a rencontré son homologue du Rwanda, le Président Paul Kagame. pic.twitter.com/eLSLNZ5u2I— Présidence RDC 🇨🇩 (@Presidence_RDC) May 17, 2021