La directrice générale du Fonds Monétaire International, Kristalina Georgieva, a annoncé que l’instance prêtera 1 milliard de dollars à la côte d’ivoire, après que le pays ait dépassé le quota admis. Pourquoi ?
Depuis dimanche, après une rencontre entre Kristalina Georgieva et Alassane Ouattara, une note interne du FMI a annoncé une nouvelle. En effet, l’instance financière compterait prêter un milliard de dollars à la Côte d’Ivoire. Or, le pays avait obtenu la dernière tranche de son prêt de relance de la même somme en décembre. Les économistes ivoiriens prévoyaient que la Côte d’Ivoire devait s’appuyer sur des bailleurs privés afin d’affronter la crise financière.
La rencontre du chef d’Etat ivoirien et de la directrice du FMI a eu lieu à Paris, avant le Sommet qui s’est tenu hier. Alassane Ouattara avait annoncé qu’il chercherait à réaliser deux objectifs en marge du Sommet. Le premier serait d’assurer plus de flexibilité quant aux sommes perçues par les pays africains pendant le second trimestre de 2021. Le second Serait d’améliorer la représentativité africaine au sein de l’institution. Car, justement, l’Afrique n’est représentée que par deux sièges au FMI.
Toutefois, le souci partagé par tous les pays africains quant au FMI est le taux d’intérêt presque forfaitaire. Depuis 2019, les prêts de financement du FMI en Afrique sont conditionnés par un taux d’intérêt élevé. Ce qui n’était pas le cas pour tous les pays préalablement. De plus, l’instance financière n’accorde ses aides qu’en échange d’engagements pris par les pays. En l’occurrence, ces engagements comprennent des concessions souvent excessives de la part des nations africaines. La Côte d’Ivoire, à titre d’exemple, n’a pas entrepris de nouveaux projets de développement étatiques depuis juillet 2020.
Quelles priorités pour les prêts africains ?
Le président ivoirien a déclaré, quant à la représentation africaine au FMI : « il a fallu attendre les années 1990 pour que les pays africains soient représentés », a dit Ouattara. Il a aussi déploré le vote africain qui ne représente que 7% au conseil d’administration du FMI.
De son côté, le chef de la Banque ouest-africaine de Développement (BOAD), Serge Ekue, voyait les choses différemment. Dans une réponse aux déclarations de Ouattara, Ekue a estimé que les besoins de l’Afrique étaient différents. Selon lui, les taux de développement positifs devraient assurer des maturités de prêt beaucoup plus longues et la moitié des taux d’intérêt actuels. Le FMI perçoit, en effet, 6% des valeurs des prêts.
Donc, le banquier a annoncé : « Si vous vous promenez à Abidjan, vous verrez que l’énergie y est incroyable ». Il a continué ensuite : « Nous ne voulons pas un simple moratoire. Il vaut mieux que les nouveaux prêts soient moins chers », a-t-il déclaré. Pour rappel, la BOAD ne prête aux Etats que sur la base de projets de développement spécifiques, et finance rarement les partenariats avec les investisseurs privés.
Alassane Ouattara avait aussi conduit les pourparlers avec Paris concernant la réforme du Franc CFA. Il n’a cependant obtenu qu’une mainmise financière de la France sur la future monnaie Eco. Par ailleurs, les 5 milliards d’euros que la France est supposée restituer à la BCEAO se font encore attendre.
Un prêt pour la Covid-19, et la lutte antiterroriste ?
Donc, afin d’expliquer ce nouveau prêt du FMI à la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a fait une autre déclaration lundi. Selon lui, le prêt servirait à « affronter la pandémie et lutter contre le terrorisme ». Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, la Côte d’Ivoire n’a investi que 176 millions de dollars en dons aux citoyens. Cette somme a servi surtout à amortir l’effet du confinement. Quant au terrorisme, le dernier attentat revendiqué par un groupe terroriste en Côte d’Ivoire a eu lieu en 2016. L’attaque de la base militaire en avril relèverait surtout d’une rébellion contre le troisième mandat de Ouattara.
Certes, un milliard de dollars aiderait la Côte d’Ivoire à respirer en fin du second trimestre de 2021. Néanmoins, le « contrat » avec le FMI ne pourrait être appliqué. Selon Georgieva, le prêt servirait à « relancer l’économie et créer des emplois ». Cependant, ce prêt survient surtout un mois après un accord avec le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire. Le 16 avril, ce dernier avait plaidé pour un retour des entreprises françaises en Côte d’Ivoire. Le ministre français cherche surtout à assurer l’avantage de son pays dans deux contrats. Le premier serait l’extension de l’aéroport d’Abidjan, remporté par une firme chinoise. Le second serait une collaboration dans le secteur de la téléphonie, qu’une société marocaine avait obtenu devant Bouygues.
Alors, les doutes quant à l’objet de ce prêt du FMI, obtenu en France sous l’égide d’Emmanuel Macron, s’éclairciront bientôt. Cela dépendrait évidemment du nombre d’emplois créés par l’Etat ivoirien dans les prochaines semaines. Et, évidemment, l’essor des deux projets, d’infrastructure et de téléphonie. Cela ne serait pas la première fois que les gouvernements de Ouattara éjectent des sociétés privées en faveur d’autres… plus françaises.