Le Sommet du Financement des économies africaines se tiendra demain, le 18 mai, à Paris. Les dirigeants africains rencontreront les bailleurs de notre continent. Mais qui profite réellement de ce Sommet ?
L’Afrique est endettée. Les Etats qui ont le plus de mal à financer les projets d’investissement et les dépenses sociales sont les Etats africains. Néanmoins, l’Afrique, en son ensemble, n’est pas le continent le plus endetté. Parmi les 20 pays les plus endettés au monde, seuls 6 pays de l’Afrique subsaharienne figurent sur la liste. Pourtant, le Fonds Monétaire International (FMI) fait jouer la carte de la solvabilité pour imposer Ses termes à la politique économique africaine.
Or, la dette publique des Etats-Unis est à 129% du PIB, la dette de la zone euro est à 122% du PIB. La dette africaine pèse à 69% du PIB pour le continent entier. Quant à l’Afrique subsaharienne, la dette publique plafonne à 41% du PIB. Certains pays africains se sont montrés des plus réguliers quant au remboursement de leur dette souveraine, parfois à des taux démesurés.
Ensuite, le calcul de la soutenabilité de la dette soutient les pays Africains, même si le PIB est un facteur, le niveau d’endettement l’est aussi, et sur ce dernier, la dette du continent est négligeable quant à la dette mondiale.
Donc, le fait qu’Emmanuel Macron, les instances européennes et les manitous des finances convoquent plus de 15 chefs d’Etats africains à Paris est curieux. Il serait légitime de se demander si le Sommet du 18 mai profite réellement à l’Afrique ?
L’Afrique est-elle le maillon faible ?
D’abord, le Sommet marque une étape de la chronique de la pandémie. La Covid-19 est devenue l’argument fétiche pour expliquer les problèmes économiques de tous les responsables politiques, en Afrique ou ailleurs. Et sur le plan sanitaire, bien que l’absence d’une collecte efficace des données entache la crédibilité de l’Afrique, le continent a tout de même moins du quart des morts de la Covid-19 que les Etats-Unis seulement.
Si l’Afrique subit les conséquences financières et commerciales de la pandémie, cela serait dû principalement à la dépendance de l’importation de la zone euro. Selon plusieurs spécialistes, l’Afrique n’a pas bénéficié des plans de relance proposés par les banques continentales étrangères. Le FMI estime les besoins de financement de l’Afrique entière à 400 milliards de dollars. La dette mondiale pendant le premier trimestre de 2021 s’élève à 289 000 milliards de dollars. La dette publique africaine, elle, atteindra 800 milliards de dollars en 2022.
De plus, la dette des ménages en Afrique pèse sur le PIB moins que le quart des comptes des ménages européens. Donc, pour en revenir au Sommet du financement des économies africaines, il semblerait bien que l’Afrique ne soit pas en mauvaise posture. Le FMI est l’institution « de confiance » quant aux estimations de la solvabilité des pays. Dans ce cas, ce serait un Sommet pour sauver les économies occidentales qui devrait avoir lieu. A moins que ce soit déjà le cas.
Des présents, des absents, et l’Afrique aux abonnés absents
La liste des présents au Sommet traduit le contexte du « New Deal » proposé par Macron. L’Union européenne (UE), la Commission européenne, le FMI, l’IIF, et les pays africains seront représentés. Toutefois, le premier créancier bilatéral de l’Afrique, à savoir la Chine, ne sera présent qu’en visioconférence.
Parmi les « invités » africains ayant un intérêt immédiat pour le Sommet, on retrouve plusieurs surprises. Si la présence d’Abdel Fattah al-Sissi, Muhammadu Buhari, Félix Tshisekedi et Cyril Ramaphosa est attendue, celle d’autres chefs d’Etat l’était moins. Le président angolais Joao Lourenço, Faure Gnassingbé du Togo et Kaïs Saïed de la Tunisie n’étaient pas prévus lors de la préparation du Sommet. Aussi, l’absence des chefs d’Etat marocain et algérien est inquiétante.
Au niveau international, on peut constater la présence des chefs d’Etat espagnol et italien, qui, outre leurs intérêts nationaux, n’ont que peu d’enjeux en Afrique. Et d’un point de vue diplomatique, la Turquie et la Russie, deux des pays à la plus grande progression diplomatique en Afrique ne font pas partie du panel.
Si l’on observe bien, les Etats et les institutions présents pourraient être considérés importants aux intérêts français et européens. Quant aux intérêts africains, le meilleur résultat que les chefs d’Etat pourraient obtenir serait une baisse du coût de la dette. C’est à cause de ce facteur que des pays tels que l’Angola et le Ghana préfèrent aujourd’hui s’endetter à des taux quadruplés chez des bailleurs privés plutôt que de traiter avec l’UE et le FMI. Certaines ONG ont aussi exigé que la transparence des finances des multinationales soit au centre des discussions. On peut toutefois présumer que ce dernier point sera un tabou lors des travaux du Sommet.