La Hadhra est un évènement artistique et religieux qui tient ses racines des rituels musulmans soufis de la Tariqa. Les chants poétiques, la danse et la récitation du Coran et des invocations méritoires retrouvent leur popularité surtout pendant le mois du Ramadan.
Les évènements de la Hadhra sont évocateurs de plusieurs sentiments. Les populations musulmanes d’Afrique conduisent cette manifestation religieuse de diverses manières. Cependant, certains points communs climatiseur subsistent. Les décorations, les rythmes musicaux qui accompagnent les chants religieux, ainsi que l’utilisation de l’encens en font partie.
Des pratiques différentes, mais analogues
La Hadhra réunit des cheikhs, des érudits, des imams dans des « cercles », des réunions dans les iwans ou les salles de prières des mosquées, ou jusqu’aux salles de concerts. En Egypte et au Sénégal, il s’agit des mêmes cercles du Dhikr. Bien que les confréries soufies soient majoritairement clandestines en Egypte. Au Sénégal, en revanche, la Hadhra est un évènement hebdomadaire, et le Dhikr est une pratique presque quotidienne pour trois des quatre confréries soufies majeures du pays.
Néanmoins, au Maghreb, la Hadhra est une manifestation culturelle moins fréquente mais aussi plus populaire. Au Maroc, la spécificité de la Hadhra est qu’elle est plus ouverte aux femmes. Que ce soit au niveau de la musique ou celui des évocations, il existe des cercles soufis 100% féminins. En Tunisie, l’organisation de la Hadhra est très similaire au modèle sénégalais. Seule différence, les textes des chants ne font pas uniquement l’éloge des ermites ou des marabouts, mais principalement celui du prophète de l’Islam Mohamed, paix et salut sur lui.
Toutefois, la chronologie des chants, des sermons et de la lecture des textes sacrés ou autres diffèrent aussi. Il est notable que dans le même pays, ou pour les différentes occasions, dont les fêtes religieuses ou les soirées ramadanesques, la filiation des évocations change. Par exemple, lors d’une Hadhra du vendredi, il est strictement interdit de danser, peu importe le pays. Aussi, dans une Hadhra sénégalaise, un imam doit toujours réciter l’une des dénominations d’Allah à la fin de chaque phrase et de chaque couplet. Dans la Hadhra marocaine, un enfant est souvent présent à l’entrée de la salle du cercle, ou dans les coulisses, récitant du Coran à voix basse. Tant que l’enfant n’a pas fini le Hizb qu’il est en train de lire, le chant doit continuer aussi.
La discorde n’est pas la vocation de l’art, ou de la religion
Depuis l’avènement des médias modernes, la Hadhra prend progressivement une dimension artistique. Aujourd’hui, un rempart s’est dressé entre la Hadhra et les autres évènements de musique islamique et soufie. Entre la Soulameya, le Qâl, la Lila dans toutes ses formes (le stambali tunisien, le zaar égyptien et le diwane algérien), des écarts se creusent. La popularité de certaines lectures rigoristes des permis et des interdits en Islam, affectent aussi la tolérance des Hadhras.
Pour certains, surtout depuis quelques années, les chants soufis sont assimilés à l’interdit de la bid’ah en Islam. Ces revendications très présentes dans le salafisme ont eu deux effets. Les pratiquants de la Hadhra, particulièrement les musiciens et les organisateurs, commencent à imposer de nouveaux éléments dans les spectacles, cherchant la provocation contre la répression. D’autre part, beaucoup de musulmans, particulièrement les sunnites, qui constituent la majorité en Afrique, y réagissent en boycottant la Hadhra.
Enfin, malgré les quiproquos, la Hadhra est un spectacle fédérateur, même pour les non-musulmans, qui y trouvent beaucoup de spiritualité. Comme toutes les pratiques soufies, cette approche à la religion va au-delà du dogme, et concerne l’humain, l’aspect communautaire et le rapprochement de Dieu.
Néanmoins, au milieu de tout ce qui divise, certains avis convergent toujours. Il serait invraisemblable de ne pas remarquer la beauté qui entoure la Hadhra. Aux niveaux musical, littéraire et décoratif, c’est une manifestation d’une culture antique, profonde et anagogique. Il serait donc bien dommage de lui imposer les contraintes d’une culture de la séparation qui ne lui est pas intrinsèque.