Avant le décès du défunt président tchadien Idriss Déby Itno, il avait accueilli à bras ouvert le chef rebelle Baba Laddé. Cet homme dangereux avait été l’un des opposants les plus féroces du régime Déby. Quel rapport entretiendra-t-il avec le nouvel occupant du Palais rose ?
« C’est avec tristesse que nous avons appris à la télévision la mort du président Idriss Déby Itno », a déclaré le 21 avril Abdel Kader Baba Laddé. Ce chef rebelle peul qui entretient de bonnes relations avec la majorité des groupes armés du Sahel africain avait rejoint les rangs du défunt président en cours de sa campagne électorale. Depuis le décès du président Déby, et sa succession par son fils Mahamat, Baba Laddé a disparu des radars.
Baba Laddé et son C.V. garni
Toutefois, le mystérieux Baba Laddé pourrait reprendre la voie de la lutte politique armée. Ce fervent opposant au défunt président tchadien de son exil au Sénégal avait déjà tenté de participer aux élections du 11 avril. Lorsque son parti a été éliminé de la course à la présidentielle, il avait abdiqué en faveur de feu Idriss Déby. Mais le rapport conflictuel qu’il entretenait avec les chefs militaires tchadiens n’a pas disparu du jour au lendemain. Par ailleurs, Baba Laddé, ce qui signifie en peul « le lion » représente une force non négligeable.
Baba Laddé a combattu dans les rangs de 6 groupes armés en Afrique subsaharienne. Aux dernières nouvelles, il serait le chef de la milice 3R en République centrafricaine depuis le décès de Sidiki Abass. Baba Laddé fait aussi partie de l’aile armée du Front patriotique rwandais (FPR), et il contrôle la partie peule de l’UFDD, l’organisation mère du FACT, avant la scission. « Le lion » est aussi un proche collaborateur d’Amadou Koufa, émir de la Katiba Macina, qui appartient à AQMI. Il avait tenté en 2011 un rapprochement entre les Touaregs maliens, AQMI et les peuls tchadiens, sans succès.
Un danger permanent
Ce curriculum vitae extensif fait de Baba Laddé un danger permanent, ou un allié puissant, selon le point de vue. Or, dans le cas du président du Conseil militaire de transition tchadien (CMT), Mahamat Déby, aucun accord n’a encore été conclu avec Baba Laddé. Et ce dernier pourrait être tenté de renouveler sa vieille amitié avec le FACT, actuellement au pied du mur après le refus de la trêve par le CMT.
Néanmoins, on ne peut rester neutre face à un homme de cette stature. Baba Laddé pourrait tout aussi bien rejoindre les rangs de Mahamat Déby. En effet, le nouveau président par intérim peut offrir à Laddé une protection dont il aurait besoin. Le chef rebelle s’est attiré les foudres des gouvernements nigérian, centrafricain et camerounais au cours de ses dernières années de rébellion armée. Ayant passé les quatre dernières années en prison puis en exil, il ne serait pas enclin à reprendre la lutte armée de sitôt.
Baba Laddé reste cependant un personnage encombrant et potentiellement explosif. Sa prépondérance dans les milieux rebelles africains et son dynamisme médiatique pourraient le pousser à approcher l’opposition tchadienne. Cette opposition fragmentée et querelleuse demande que le pouvoir soit extirpé aux militaires. Dans ce contexte, même le vieux lion peul pourrait avoir sa chance de prendre le contrôle de N’Djaména, sans même prendre les armes.