L’ambassadrice de l’Erythrée auprès de l’ONU a adressé une lettre au Conseil de sécurité. Elle y admet officiellement la présence des troupes érythréennes au Tigré. Cet aveu intervient après des mois de dénégation de la part d’Asmara.
Face à la pression internationale croissante, L’Erythrée a reconnu ce vendredi pour la première fois que ses forces armées participaient à la guerre dans la région du nord du Tigré en Éthiopie. L’ambassadrice de l’Erythrée auprès de l’ONU, Sophia Tesfamariam, a promis le début tant attendu du retrait des troupes érythréennes du Tigré.
« L’Erythrée et l’Ethiopie ont pris une décision commune d’entamer le retrait des troupes érythréennes du Tigré », a écrit Tesfamariam dans sa lettre adressée au Conseil de sécurité de l’ONU. Cette admission est cependant partielle. L’Erythrée nie tout de même l’implication de ses forces armées dans les massacres dont elles sont accusées par l’ONU depuis des semaines.
Des accusations et des mensonges
Le 4 mars, c’était à l’appel de Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint pour les Affaires humanitaires de l’ONU, que l’organisation avait soulevé la question des violences des troupes érythréennes pour la première fois. Le 10 mars, c’était le témoignage du secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken qui avait mis en cause l’armée érythréenne dans la brutalité documentée sur le terrain de la guerre du Tigré.
C’était ensuite un rapport des Nations Unies, le 19 mars, qui accusait des soldats Erythréens de pillage, d’exécutions sommaires, de torture et de viol dans la région du Tigré au Nord éthiopien. Au centre de la polémique se trouvaient le président érythréen Isaias Afwerki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Ce dernier, lauréat du prix Nobel de la paix pour avoir « résolu le conflit » entre l’Ethiopie et l’Erythrée, avait avoué le 23 mars la présence érythréenne au Tigré.
A titre symbolique, le 22 mars, l’Union européenne (UE) a imposé des sanctions internationales à l’homme fort de l’armée érythréenne et du gouvernement Afwerki, Abraha Kassa, pour des crimes de guerre au Tigré depuis 2018. Une décision que la diplomatie érythréenne a qualifié de « malveillante ».
L’Erythrée cède à la pression
Le régime Afwerki s’est donc retrouvé de plus en plus esseulé. La publication de rapports sur des troupes érythréennes déguisées en soldats éthiopiens, commettant des meurtres de civils, a d’ailleurs suscité plus de doutes sur la véracité des déclarations successives des ministres d’Affaires Etrangères des deux pays.
C’est donc une Erythrée isolée qui admet enfin la présence de ses soldats au Tigré, un fait déjà connu par la communauté internationale. Ce que cet aveu signifie, au niveau géopolitique, est la cession de l’Erythrée à l’intimidation des diplomates de l’ONU. En effet, le gouvernement d’Afwerki ne peut plus camoufler les massacres à huis clos dont son armée serait responsable.
Néanmoins, l’ambassadrice Tesfamariam dément les atrocités commises par les troupes de son pays. Elle qualifie les accusations onusiennes de « scandaleuses » et proteste contre ce qu’elle qualifie d’attaque contre son pays par les responsables de l’ONU au Tigré.
Toutefois, la promesse de la diplomate érythréenne du retrait des troupes renforce celle du chef d’Etat éthiopien et traduit une volonté congrue d’entamer la démilitarisation du conflit. La guerre au Tigré a fait des milliers de morts, ut notum est, ainsi que des dizaines de milliers de réfugiés et bien plus de personnes déplacées. Si le retrait des troupes érythréennes est bien réel, la situation humanitaire s’améliorera-t-elle ? Ou serait-ce juste un autre exercice d’équilibriste ?