Le couscous est au centre de nombreuses querelles. Et bien que l’UNESCO n’ait accepté l’intégration du plat à son patrimoine mondial qu’après des décennies de discorde, le couscous sème encore la zizanie entre les pays et les communautés.
Le « CouscousGate », le « meilleur couscous du monde », le « meilleur couscous de l’année »… Chaque année, les marronniers de la presse ressortent. Et le couscous est le sujet idéal pour un débat houleux. Et l’on ne parle pas ici simplement d’une recette, qui diffère d’un pays à l’autre, mais de l’appropriation du couscous. Un plat qui a été à l’origine de beaucoup de conflits culturels et qui demeure le symbole de plusieurs querelles devenues politiques. À la suite de l’internationalisation du plat à base de semoule de blé dur, on ne sait plus trop à qui appartient le couscous. Mais en a-t-on vraiment besoin ?
Quoi qu’il en soit, le couscous a des origines nord-africaines, qui n’est pas d’origine sémite. Sur ce point, tout le monde semble d’accord. Les origines du couscous sont d’ailleurs souvent revendiquées par les descendants des peuples de Tamazgha, les Berbères ou comme ils s’appellent eux-mêmes les Amazighs. Au fil du temps, les peuples sémites sont arrivés en Afrique du Nord et jusqu’au Sahara africain. Les Arabes et les Juifs ont repris le plat amazigh, et ont tous participé à le faire évoluer. Chaque peuple a fini par ajouter ses propres ingrédients à la recette de base. De quoi expliquer pourquoi chaque pays revendique son couscous comme le meilleur. Et sur ce sujet, forcément, le débat est insoluble.
La guerre des couscous
De la Tunisie à l’Algérie, en passant par le Maroc, nombreux sont les pays qui se disputent les meilleures recettes de couscous. La Mauritanie, la Libye ou, plus récemment, le Sénégal mettent un point d’honneur à dire à ceux qui veulent bien l’entendre qu’ils ont le meilleur couscous du monde. Chacun d’entre eux a a propre recette. Pour ce qui est de la dimension culinaire, on se retrouve donc avec des plats esthétiquement et gustativement très différents. Mais la même base revient toujours. Le plat est en effet essentiellement composé de semoule de blé dur cuite à la vapeur, de légumes, de viande et d’épices qui composent sa sauce.
C’est donc l’origine des ingrédients qui définit la recette, et avec elle le type de conflit qui s’y attache. Et comme il s’agit de cuisine traditionnelle, les méthodes de préparation sont si enracinées dans l’histoire de chaque pays qu’elles en deviennent ancestrales. On entre là dans une dimension plus culturelle, qui à force d’évoluer, ne fait que créer des échanges de plus en plus hostiles.
Ce différent culturel autour du couscous est en réalité assez récent. Il est sorti des réunions de famille lors du « Couscous Fest », un évènement annuel qui se déroule au nord de la Sicile, en Italie. Et malgré la piètre tentative de s’approprier le plat par des chefs européens, aucun cuisinier non-africain n’a jamais gagné la compétition. Lors des trois dernières éditions de ce concours, l’Angola, la Tunisie et le Sénégal ont respectivement remporté les éditions de 2017, 2018 et 2019.
L’Algérie, le Maroc et le couscous
Le couscous est un plat qui colle tellement à la peau de l’Afrique qu’il a été au centre d’une polémique en France, en 2017. Un « CouscousGate » qui a touché le Front National (FN), le parti français d’extrême droite, après qu’une photo a été publiée sur les réseaux sociaux montrant le député européen Florian Philippot, qui venait de quitter le parti, en train de déguster un couscous.
Le couscous est donc un outil de communication politique. Plus récemment, c’est entre les voisins d’Algérie et du Maroc que la guerre médiatique a fait rage. La présentation des recettes de couscous sur les réseaux sociaux, que les influenceurs de la gastronomie maghrébine considèrent comme leur pain quotidien, sont parfois accusés d’« appropriation culturelle ». A la façon de la « guerre du houmous » entre le Liban et Israël, celle du couscous est hautement politique. L’occasion, bien souvent, pour les Marocains de « taper » sur les Algériens. Et vice-et-versa.
Mais les Nord-Africains ont tout intérêt à s’entendre pour éviter la « colonisation culinaire ». En Europe, on voit déjà des couscous au foie gras ou aux moules sortir des cuisines. Le tout Paris craque pour le couscous aux merguez, qui n’est pas du goût de la diaspora. Quant au couscous royal, il n’a plus rien à voir avec celui de Tamazgha.
Si bien qu’Alger et Rabat ont réussi à mettre leurs divergences de côté, pour que le couscous reste nord-africain. Les traditions du couscous sont désormais inscrites sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Une inscription effectuée conjointement par l’Algérie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie. Ou quand le couscous devient un outil de diplomatie qui unit sur la scène internationale. Mais au sein des familles, on continuera de crier haut et fort que son couscous est meilleur et plus traditionnel que celui du voisin.