Le Premier ministre de Libye Abdel Hamid Dbeibah chercherait à décapiter la hiérarchie de l’Autorité d’investissement libyenne (LIA). En licenciant son directeur, Ali Mahmoud Hassan, Dbeibah se démarquerait de son prédécesseur, Fayez el-Sarraj.
Le premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah s’apprête à licencier Ali Mahmoud Hassan, le président de l’Autorité d’investissement libyenne (LIA). Ce dernier a été critiqué et est même au cœur d’une enquête pour corruption, pour des faits remontant à 2019. C’était le Premier ministre de l’époque, Fayez el-Sarraj, qui était intervenu pour le blanchir.
La LIA est une institution hermétique à la surveillance du gouvernement, ce qui pose un gros problème : elle gère en effet plus de 60 milliards de dollars de l’argent de l’Etat libyen. L’assainissement de cette institution faisait partie des objectifs de Dbeibah avant même que son gouvernement d’unité nationale n’obtienne la confiance du Parlement.
Opération séduction envers l’ONU
En effet, grâce aux mesures pacifiques lancées par le Premier ministre libyen, Dbeibah a gagné une relative confiance auprès de la communauté internationale. De quoi lui laisser l’opportunité de s’attaquer aux dossiers plus chauds avant d’organiser les élections de décembre. Abdel Hamid Dbeibah espère débloquer les avoirs libyens gelés à l’étranger depuis 2011 par l’ONU, dont la LIA est responsable.
Ali Mahmoud Hassan s’est fermement opposé aux demandes de Dbeibah, le 13 mars dernier, de geler les investissements de la LIA et de ses filiales. Le Premier ministre tente donc la méthode plus radicale, et Hassan pourrait y laisser des plumes.
Une réforme du fonds souverain est depuis longtemps demandée par la mission onusienne en Libye. C’est ce qui a obligé le cabinet de la LIA à réaliser un audit de ses comptes en juin dernier. Le bilan de l’audit était resté secret. Le directeur de la LIA, Mahmoud Hassan, avait cependant été arrêté en 2019 suite à des soupçons de détournement de fonds dans l’affaire Palladyne, un fonds d’investissement hollandais auquel la LIA avait confié plus de 660 millions de dollars en 2018.
Couper les ponts avec Sarraj
Des doutes subsistent sur le rôle opaque du Conseil de sécurité des Nations unies dans cette affaire. L’ONU n’a jamais hésité à exprimer son soutien de Fayez el-Sarraj lorsqu’il était Premier ministre. C’était à cette époque qu’Ali Mahmoud Hassan avait conclu plusieurs accords afin de dégeler certains fonds libyens à l’étranger.
Des fonds de la LIA ont été gelés en France et en Belgique, à hauteur de 1,3 milliard de dollars. En 2019, la LIA a signé le maintien du gel de ces fonds, sous l’égide du Comité des sanctions onusien. Sous le couvert de la « protection des fonds de la Libye des pays qui chercheraient à mettre la main dessus », la procédure de récupération de ces avoirs n’a finalement pas abouti.
En sanctionnant cet accord et en blanchissant Hassan d’une éventuelle condamnation quelques mois plus tard, l’ex-Premier ministre el-Sarraj, avec l’accord de l’ONU, a consacré la mauvaise gouvernance, voire la corruption d’une des institutions financières gouvernementales les plus importantes.
L’actuel chef du gouvernement, Abdel Hamid Dbeibah, espère donc faire débloquer les fonds de la LIA par un dirigeant plus fiable, qui ne ferait pas partie du camp d’el-Sarraj. De quoi donc irriter ce dernier. Mais aussi, de quoi asseoir le pouvoir de Dbeibah, qui aurait accès à un joli bonus aux recettes d’Etat, qu’il utiliserait certainement pour contenter les parties plus fébriles de l’accord d’unité nationale confirmé le 13 mars.